Toulouse : quand on s’écharpe en tricolore

Le protocole - qu’il soit républicain, car telle est la forme du régime dont s’est dotée la France depuis quelques décennies, royal ou tout ce que l’on voudra - n’est pas fait pour les chiens. Et la polémique autour du port de l’écharpe tricolore par deux élus LR de Toulouse à l’occasion d’une cérémonie à Lourdes devrait être l’occasion de le rappeler.

De quoi s’agit-il ? Le 15 août, Jean-Michel Lattes, le premier adjoint de la municipalité LR de Toulouse, ainsi qu’un conseiller municipal, Jean-Baptiste de Scorraille, ont arboré « leur » écharpe tricolore durant une cérémonie religieuse, notamment lors de la traditionnelle et belle prière pour la France. Ipso facto, Régis Godec, conseiller municipal d’opposition, EELV, a réagi en pointant une "curieuse conception de la laïcité". De son côté, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc évoque une "polémique inutile" révélant, selon lui, "un fond de sectarisme anticatholique" et une "carence en culture historique et religieuse". Quant au premier adjoint, il affirme assumer le port de son écharpe.

Dans un tweet, le maire de Toulouse a ajouté que "dans le monde et la France de 2018, les inquiétantes atteintes à la laïcité ne concernent plus la religion catholique". Pas faux, et s’il n’y avait que des atteintes à la laïcité ! Le maire de Toulouse en sait, d’ailleurs, quelque chose, lui qui avait inauguré en grandes pompes avec la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, la grande mosquée de Toulouse en juin dernier. À cette occasion, il avait reçu symboliquement les clés de la mosquée des mains de l’imam Mohamed Tatai, à l’encontre duquel, une semaine après cette belle cérémonie, le parquet de Toulouse ouvrait une enquête pour "des faits susceptibles de constituer une incitation à la haine". En l’occurrence, un prêche antisémite tenu en arabe en décembre 2017.

Mais revenons à nos édiles toulousains qui s’écharpent du côté du Capitole. Pour tout dire, ces deux élus n’avaient pas à porter l’écharpe tricolore. Et l’élu Vert n’avait pas à évoquer une éventuelle violation des principes de la laïcité, qui n’a rien à faire dans cette histoire. Parce qu’un élu ne peut tout simplement pas revêtir n’importe où, à n’importe quelle occasion, l’écharpe tricolore qui, du reste, n’est pas « son » écharpe. En effet, un décret de 2000, modifiant le Code des collectivités territoriales, précise que "le port de l’écharpe tricolore est limitativement restreint tant pour les adjoints que pour les conseillers municipaux à l’exercice des fonctions d’officiers de police judiciaire et d’officiers d’état civil et lorsqu’ils remplacent ou représentent le maire". Il ne semble pas que participer à une cérémonie religieuse relève de la police judiciaire ou de l’état civil ! Et le décret précise : "Dès lors, le port de l’écharpe en dehors de ces circonstances et notamment dans les cérémonies publiques en présence du maire, ou se déroulant à l’extérieur de la commune, est totalement exclu." Lourdes n’est pas sur le territoire de la commune de Toulouse, nous semble-t-il aussi. Au passage, cela signifie que les adjoints ne peuvent porter l’écharpe tricolore en présence du maire, comme on peut le voir trop souvent dans certaines communes, lors des cérémonies patriotiques, et ce, malgré les rappels réguliers des préfets.

"Une polémique inutile", une "carence en culture historique et religieuse", a jugé le maire de Toulouse. Surtout, une polémique qui aurait pu être évitée si ces élus n'avaient pas fait preuve d'une indéniable carence en culture administrative et réglementaire. Les élus sont d’abord les élus de la République et non de leur petite république à eux. Le respect du protocole permet, ainsi, d’éviter de s’approprier une fonction comme une charge que l’on aurait achetée. Les conseillers municipaux de Toulouse ne sont pas des capitouls !

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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