C’est un papier plus qu’inquiétant qui paraît, ce mardi, dans Le Figaro, sous la plume de Jean-Marc Leclerc. Il révèle que les djihadistes de la première heure – c’est-à-dire les plus dangereux – commencent à sortir de prison. Déjà 80, cette année, et près de 230, d’ici 2023. Ceux-là, « souvent hyper entraînés et prêts à tout, y compris à mourir, pour certains », vont être lâchés dans la nature car il n’y a quasiment aucun suivi prévu pour eux.

Les chiffres font froid dans le dos, encore sont-ils « a minima », dit un magistrat au quotidien : ainsi, « sur 505 personnes incarcérées pour des faits de terrorisme en lien avec l’islamisme, 273 ont été condamnées définitivement et 232 sont actuellement soit mises en examen, soit en attente de jugement ». Depuis janvier de cette année, 63 ont déjà été libérés et une vingtaine sortiront d’ici fin décembre. 70 seront remis en liberté en 2021, une cinquantaine en 2022 et une trentaine en 2023 : « Total en quatre ans : environ 230 sortants de prison. »

Comme l’explique ce magistrat spécialisé dans la lutte antiterrorisme, ces gens-là – les plus dangereux, redisons-le – bénéficient d’une législation infiniment plus clémente, à l’époque de leur condamnation, qu’elle ne l’est aujourd’hui. « Ils ont écopé de peines relativement limitées, de 5 à 6 ans de prison, parce que le départ pour les zones de combat en Syrie ou ailleurs n’était passible que de peines correctionnelles, c’est-à-dire d’un maximum de 10 ans de prison, quand ils ont été arrêtés. » Ce n’est qu’après janvier 2015 que la loi a été durcie et les départs vers « les théâtres de conflit » ont été criminalisés : « Aujourd’hui, pour un simple départ, un djihadiste passe aux assises et peut être condamné à 15, 20, voire 30 ans de prison, en fonction de la gravité de ce qu’il a commis sur place. »

Il n’y a qu’en matière fiscale que la loi française s’offre le luxe d’être rétroactive, pas en matière criminelle. S’ajoute à cela une subtilité de la loi antiterroriste de 2016 (initiée par MM. Urvoas et Cazeneuve) qui, sous prétexte de durcir le régime de sanction, a en réalité quasiment supprimé, de fait, l’encadrement des djihadistes à leur sortie de prison. Ainsi, « sur les 273 détenus islamistes condamnés définitivement, seulement 80 environ bénéficieront d’un suivi sociojudiciaire à la sortie de prison, dont une trentaine parce que cette mesure fut décidée lors du prononcé de la peine ».

De plus, pour les personnes condamnées à plus de sept ans de prison et pouvant, à ce titre, bénéficier d’un suivi, celui-ci a été calqué sur celui des délinquants sexuels et leur fait obligation de passer devant un psychiatre. Or, ces gens-là ne sont pas fous ni malades ! « Les médecins constatent le plus souvent que la personne présentée n’est pas folle, mais qu’elle a simplement fait des choix idéologiques », dit un policier au Figaro.

Un suivi administratif – la MICAS (mesure individuelle de contrôle et de surveillance) – est également possible depuis 2017, imposant au libéré « des obligations de pointage, de résidence, des interdictions de paraître ou de rencontrer certaines personnes ». Malheureusement, ce suivi n’excède pas six mois, renouvelable une fois seulement et sur décision du juge à condition de lui apporter sur un plateau des « éléments nouveaux ».

Résultat : « Les services doivent donc montrer patte blanche, au risque de mettre en danger des sources ou de révéler des méthodes ou des techniques de renseignement censées rester secrètes. »

Traduction : les loups sont lâchés et on n’a rien pour les retenir !

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10 novembre 2020 à 14:00

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