Une série dramatique sur M6 suivie d’un reportage, le 27 avril, furent consacrés à l’accident de Tchernobyl, le 26 avril 1986, et j’avoue que la gravité de l’accident et la menace d’anéantissement à laquelle l’Europe a miraculeusement échappé m’étaient sorties de la mémoire. L’accident s’est produit sur le réacteur 4 et, sans l’abnégation et le sacrifice de milliers, de dizaines de milliers de liquidateurs, il est probable que les matériaux en fission infiltrés auraient provoqué l’explosion des trois autres réacteurs et, partant, une forme d’apocalypse. Aussi deux réflexions me viennent-elles à l’esprit.

En premier lieu, la nécessaire mutation des sociétés qui banalisent l’usage des technologies avancées. La dramatique était sans doute caricaturale, mais la confrontation entre physiciens nucléaires et membres du Politburo était édifiante. Aux uns, instruits et formés, le savoir ! Aux autres, incultes, bornés et arrogants, le pouvoir !

On ne met pas des grenades entre les mains des enfants. On ne confie pas la supervision de l’énergie nucléaire à des gens qui n'ont pas la formation adéquate ! C’est ce qui, en partie, explique l’absence de réactivité de la chaîne de commandement soviétique le long de laquelle les échelons n’ont cherché qu’à minimiser les faits et maintenir l’omerta. Il fallait que le peuple soit bien dévoué pour accepter un sacrifice qu’une information transparente aurait permis de réduire. Et il fallait que la confusion soit immense pour que surgisse un besoin de transparence – glasnost – qui n’était pas étranger à la chute du régime, trois ans plus tard.

En second lieu, l’irréversibilité du processus ! J’entends des objections d’indignation légitime à la prolifération du nucléaire, et pourtant, quand le vin est tiré, il faut le boire. D’aucuns, aujourd’hui, diabolisent le nucléaire et œuvrent à son élimination, mais ils tombent précisément dans le piège que leur tend le diable ! Le nucléaire est arrivé avec une sorte d’emballement : augmentation de la démographie, augmentation des besoins énergétiques, maîtrise de la technologie et production de l’énergie nucléaire, abondante et bon marché. Peut-être aurait-il fallu ne jamais en arriver là, mais les regrets sont inutiles.

La gestion d’un parc nucléaire vieillissant exige une excellence grandissante et des ingénieurs de très haut niveau. Le cercle est vicieux. A contrario, le démantèlement que d’aucuns proposent entraîne une perte de compétences laquelle nous met à la merci d’un Tchernobyl bis repetita.

Eh oui, le diable est dans les détails, et quand il s’est invité, il est difficile de le congédier. En attendant qu’il se lasse, les uns et les autres devront dîner avec de longues cuillers.

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29 mai 2021 à 11:43

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