« Surmulots » : attention au relativisme

rat

Représentante du Parti animaliste au Conseil de Paris, Douchka Markovic tente de réhabiliter le statut déprécié des rats qu’on ne saurait dédaigner. Il en va de leur honneur et de leur dignité, comme si un rongeur féru de bains-douches dans les égouts de Paris savait quelque chose de l’hygiène et des règles de bienséance. À en croire ses mots, la bestiole traîne avec elle une dépréciation injuste, moralement condamnable. Il ne faut plus les appeler « rats » mais « surmulots » parce que la connotation péjorative renvoie à l’un des pires fléaux de l’humanité, la peste, si bien relaté par Camus dans son roman.

Le plaidoyer prête à rire au regard des arguments avancés. Ils seraient nos vide-ordures naturels, nos auxiliaires de gestion des déchets, nivelant vers le bas les éboueurs dont c’est le métier. Bien que reconnaissant elle-même la difficulté à voir ces petits clandestins s’immiscer chez soi, elle claironne un enjeu éthique relativiste conduisant à reconsidérer nos aristo-rats tels nos semblables. Mais reconnaissons la fragilité de l’argumentation : si « surmulot » restaure la dignité du rongeur, les mulots devraient créer leur propre syndicat et faire valoir leurs droits légitimes. Que voulez-vous, Orwell n’a-t-il pas avancé au regard de ces névroses idéologiques que nous sommes tous égaux tant que certains ne sont pas plus égaux que les autres ?

En tout cas, il serait bienvenu de la part des odieux détracteurs de la nature d’envisager des moyens non létaux pour régler la question. Paradoxe montrant la polarisation des enjeux de société, eu égard à l’hygiénisme sanitaire imposé depuis la crise du Covid, que la face de la société est tiraillée de toutes parts. Tantôt on nous somme de porter le masque, de respecter les mesures barrières, tantôt le savon est régulièrement le grand absent des toilettes publiques et la prolifération des rats encouragée.

Le Parti animaliste montre jour après jour un dévoiement de l’écologie. L’antispécisme suppose que le moustique a autant de valeur qu’un humain : serait-ce donc que la conscience n’est plus l’apanage de l’homme ? Cette grille de lecture conduisant au relativisme absolu, très tendance à notre époque, figure un communisme du vivant, un dangereux dévoiement de l’égalité. L’absence de hiérarchie, d’un clergé du vivant, risque de conduire inexorablement à l’avancée significative de l’une des expressions nihiliste de l’époque. Désacralisation et perte d’importance généralisée, tout se vaut parce que tous égaux dans une indifférenciation et un magma informe. Attention : il n’est pas question de remettre en cause l’égalité mais d’en respecter l’esprit plus que sa stricte application tel que l’envisageait Montesquieu. Le dogme de la non-discrimination donne lieu, aujourd’hui, à des considérations autrement fantaisistes, à des fariboles de toutes sortes. Une jeune femme, Rain Gordon, s’est mariée il y a quelque temps avec son attaché-case. Et gardons en tête que la vie n’est jamais que discrimination, des choses les plus triviales jusqu’aux plus cruciales, de fromage ou dessert à la sélection drastique de ses amis ou compagne chemin faisant.

À vouloir embrasser et toucher tout le monde, nous risquons bientôt de devenir les nouveaux intouchables, parce que l’homme demeure un animal territorial, grand oublié de l’ode à la tolérance.

Michaël Parent
Michaël Parent
Professeur de français et de philosophie

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