[STRICTEMENT PERSONNEL] Trump : jeu, set et… ?

Dominique Jamet

« Un octogénaire se plantait… », comme l’écrit à peu près ce bon vieux La Fontaine, dans une fable bien connue (1). C’était le 27 juin dernier, Joe Biden, président sortant, et Donald Trump, président sorti, s’affrontaient pour le titre de chef d’État de la plus grande puissance du monde. Le duel entre les deux mâles blancs qui se disputaient le prochain bail de location de la Maison-Blanche fut sans merci, sans cadeau, sans grand intérêt – on s’y attendait -, mais avec surprise et vainqueur. Tandis que l’homme au complet bleu, à la cravate rouge, aux cheveux blonds et à la peau orange développait sa rhétorique habituelle avec son lot de provocations, d’injures et de violence, son adversaire, le visage figé et la parole floue, l’air absent, l’œil perdu dans le vague, semblant se demander ce qu’il faisait là, sans être vraiment sûr qu’il y fut vraiment, incapable de donner la réplique à son vis-à-vis, accusait terriblement son âge, lequel, ce soir-là, ne pouvait que plaider coupable. Les questions que l’on se posait depuis quelque temps sur la capacité de Joe Biden à assumer son mandat actuel et sur son incapacité probable à exercer un second mandat (où en serait-il, d’ici novembre prochain, dans un mois, dans un an ou dans quatre ans ?), trouvaient ce soir-là leur réponse, et la réponse, sans distinction de parti, d’allégeance ou de préférence, était unanime : l’heure d’une retraite bien méritée avait sonné. Il ne lui restait plus qu’à s’exécuter. Ce soir-là, la cause paraissait déjà entendue. Et le jugement rendu sans appel. Le coup de grâce fut donné au malheureux Biden lorsque, le 13 juillet, Donald Trump échappa, indemne, à un poil près et le poing brandi, aux balles d’un apprenti terroriste. Miracle, que certains expliquèrent par de banales considérations balistiques et d’autres par l’intervention de Dieu, en personne. À chacun d’en décider. Mais le risque encouru et la chance providentielle du candidat républicain l’auréolaient d’un prestige inédit et accroissaient l’avantage que lui donnaient les sondages.

La suite n’était plus qu’une formalité. La décision inévitable et douloureuse fut arrachée à l’homme qui ne s’était pas vu vieillir, sous l’amicale et insistante pression de ses parrains, de ses amis ou supposés tels, de ses donateurs et de l’opinion. Et l’on salua comme il convenait l’abnégation, le sens civique et l’esprit de sacrifice de celui que l’on venait de pousser dehors.

Kamala Harris, l'atout démocrate

Opportunément débarrassé de l’adversaire prévu et combattu depuis des mois, on a pu croire, un moment, que Donald Trump n’avait plus qu’à poursuivre sa marche triomphale, le long du boulevard que lui avaient ouvert les insuffisances puis la renonciation de Joe Biden. Lourde erreur. Portée à la vice-présidence par Joe Biden, le bienfaiteur auquel elle doit tout - un peu, comme chez nous, Emmanuel Macron à François Hollande ou Gabriel Attal à Emmanuel Macron -, Kamala Harris avait été reléguée dans l’ombre par le président Biden, de la même façon que celui-ci l’avait été par le président Obama, ou s’était vue confier, comme dans les contes de fées, des missions impossibles telles que juguler les flux migratoires. Le sort lui permet de déployer, en pleine lumière, les hautes ambitions qu’elle avait continué de nourrir dans l’ombre où elle se tenait prête. Le poste qu’elle occupait lui donne une légitimité pour briguer le fauteuil laissé vacant par son protecteur et pour détourner, à son profit, les mandats et les fonds qui s’étaient portés sur Joe Biden. Ses premiers pas, à commencer par ses pas de danse, sont d’une femme que l’événement n’a pas prise au dépourvu et ont suscité un enthousiasme qui répondait au sien. Dans la nouvelle et brève campagne qui s’ouvre à trois mois de l’élection, Kamala Harris possède et abat des atouts qui sont loin d’être négligeables. Et qu’en tout cas, Donald le chanceux aurait intérêt à ne pas méconnaître.

La tentation de Trump, tel qu’on le connaît, et telle que son dauphin Vance y a déjà cédé, pourrait bien être de traiter cette nouvelle adversaire avec les mêmes recettes qui lui ont réussi dans le passé et, donc, de mettre en question le sexe, le physique, la couleur de peau, les origines et les orientations réelles ou non de Kamala Harris. Il aurait tort.

Le mépris ne suffira pas

L’affrontement qui se dessine et qui aura sa conclusion le 5 novembre prochain est à la fois hautement symbolique et ancré dans le réel. Aux États-Unis, en 2024, 46 % de la population est recensée, en fonction de ses déclarations, comme « blanche et chrétienne ». Trump est reconnu et soutenu par cette Amérique, celle des Pères fondateurs, de la tradition et de l’Histoire. Il aurait intérêt à ne pas se mettre à dos l’Amérique multi-ethnique et multiculturelle, qui pourrait se reconnaître dans la personnalité, le parcours et le programme de Kamala Harris. Il a également intérêt à ne pas perdre de vue que dans le débat qui s’ouvre, son interlocutrice, loin d’être « sleepy », n’hésitera pas à lui faire face, les yeux dans les yeux. Ne l’a-t-elle pas, d’ores et déjà, qualifié de prédateur, de fraudeur et de tricheur, se posant comme le magistrat qu’elle a été devant lequel il ne serait qu’un suspect voire un coupable ? Enfin, qu’il le veuille ou non, le vieux, désormais, c’est lui. Ce n’est pas un avantage. Les cartes ont été rebattues et sont redistribuées.

L’issue du nouveau match qui s’engage apparaît bien incertaine.

(1) Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes

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Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

18 commentaires

  1. Il ne faut inverser les fables de notre grand visionnaire, qui sait traverser les âges, quand il suggère qu’un octogénaire peut planter les jouvenceaux, en offrant « des soins pour les plaisirs d’autrui ».
    Pour prolonger le Maitre à penser nul doute qu’il savait -mieux que les courtisans- que les états révérencieux ou de pure aversion ne reposent que sur des frustrations ou des aveuglements volontaires.
    Le discernement et l’éloquence élégants font défaut depuis désormais bien des décennies pour qu’on puisse s’offusquer de billets, se transformant rapidement en assignats.
    Ici une charge de plus… de trop, pour labelliser « les hautes ambitions » de Mme Harris, qui en son temps utilisait son pouvoir pour demander l’interdiction du compte Twitter de M. Trump…
    En mars 2016 la charge de notre chroniqueur était prémonitoire d’un emballement de ses pensées, en affublant l’étonnant iconoclaste futur président de « MecDo ».
    Ici encore le sage La Fontaine nous invite à ne jamais quitter « le long espoir et les vastes pensées », et Dumarsais conclut : « on ne se sent guère de goût pour ces sortes de pensée fausses et outrées ».

  2. La jeunesse n’est pas une supériorité, nous le découvrons dramatiquement avec ce qui nous sert de président depuis quelques années….

    • Il ne faut pas négliger ce facteur ni celui de la race . Aujourd’hui la forme joue autant que le fond.
      J’ai bien peur que Biden ne lui ait pas fait un cadeau en se retirant mais plutôt un caillou dans la chaussure qui pourrait bien être cette Kamala Harris.

  3. A priori, l’impopularité de K. Harris est encore aujourd’hui un fait indéniable.
    Mais on ne peut donner tort à Mr Jamet de mettre en garde D. Trump et son équipe à l’ égard de la nocivité potentielle de cette arriviste (incompétente en matière internationale particulièrement) bien déterminée à l’emporter par tous moyens !… Courage Donald, redoublez de vigilance, vos électeurs vs en seront reconnaissants.

  4. Tout sera fait pour tuer Trump, politiquement parlant, après qu’un paumé ait tenté de le supprimer du monde des vivants. Kamala a derrière elle tous ceux qui professent le tout sauf Trump, ce qui fait du monde, mais elle ne parvient pas à convaincre, y compris dans son propre camp, à cause de son rire peut-être …
    Plus sûrement à cause son wokisme et féminisme radicaux.
    Si Trump ne trouve pas la faille pour démonter sa rhétorique et faire face à ses atouts (femme, plus jeune, issue de la « diversité », etc), sa manière de jouer sur le registre émotionnel ou ludique, il perdra.
    En France la presse, qui n’approfondit rien, a fait de Trump l’homme qu’on adore détester. Or il a accompli des choses louables et utiles à son Pays durant sa présidence : communauté noire, lutte contre la pédo-criminalité (ce que les déms ignorent totalement), international, emploi. Mais il n’y a rien à faire, ce qu’on retient et ce sur quoi va appuyer lourdement K.H., ce sont ses « affaires ».
    Quand on y regarde de près, Trump est plein de lacunes mais il est bien moins toxique que cette gauche rouée qui sait comment séduire les multitudes pour imposer son changement de paradigme.

    •  » après qu’un paumé ait tenté de le supprimer du monde des vivants  » = NON ! Ce n’était pas un paumé ou alors les « secrets services  » américains sont vraiment des amateurs achetés à bas prix dans la rue !!!! Allez, réfléchissez svp.

  5. Lorsque l’on lit la presse étrangère (notamment américaine), on apprend que Kamala Harris n’est pas appréciée par le peuple américain et a même des opposants dans son propre parti.
    Alors oui, l’issue du match est incertaine, mais Kamala n’a pas autant de de chances que ce qui est sous-entendu dans cet article. maintenant, le bourrage d’urnes (quelque soit la méthode, c’est à dire manuelle ou électronique) est encore possible. Il suffit que les médias sortent de faux sondages pro kamala et ensuite, « on » s’exclame = « le sondage avaient raison ».

  6. Total désaccord , la preuve en est que RFK Junior , démocrate s’il en est, vient de se retirer de la course . Non pas pour soutenir Kamala Harris , qui est plutôt impopulaire aux US, mais pour soutenir Trump. Attention Mr Jamet ,vous risqueriez de finir comme Joseph Robinette Biden.

  7. « ou s’était vue confier, comme dans les contes de fées, des missions impossibles telles que juguler les flux migratoires. » Mission impossible ?
    « Ne l’a-t-elle pas, d’ores et déjà, qualifié de prédateur, de fraudeur et de tricheur »:Cela n’est-il pas un peu court comme argument de campagne ? Et puis, qui ont été les tricheurs dans la dernière élection présidentielle ?
    J’ai bien peur qu’il faille encore beaucoup de tricheries, du côté démocrate, pour battre Donald Trump…
    Votre parti-pris vous aveugle Mr Jamet, et fait de vous un commentateur qui s’adapte aux faits et à l’humeur du temps….

  8. Ce n’est pas une question d’âge ! En France, nous avons élu un « jeune », et son gouvernement de « jeunes » et on en voit les résultats désastreux ! ,

  9. Tant que les calculs et résultats des ordinateurs qui assemblent les votes ne seront pas sous contrôle multipartite et indépendant, quoi qu’il en soit, il y aura doute sur le résultat

    • Comme en France, où l’on vient de battre le record historique des votes par procuration. Et ça n’a pas l’air d’interpeler grand monde.

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