[STRICTEMENT PERSONNEL] Les semailles et les moissons

« Muchos enemigos, mucho honor » (« Beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneur »), dit un vieil adage espagnol. Au prix, parfois, où s’est payé cet honneur supposé, on ne peut s’empêcher de penser que le coût en est exorbitant. Quoi qu’il en soit, tout au long de sa longue et douloureuse histoire, les ennemis n’ont jamais manqué au peuple que la Bible disait élu par Dieu. D’abord lorsque, à la suite de la chute de Jérusalem et de la destruction du Temple, ce peuple dispersé aux quatre vents, humilié, persécuté, errant, hagard, faible parmi les faibles, peuple sans nation, sans incarnation politique et institutionnelle mais fort de son incroyable ténacité, a préservé au travers de mille vicissitudes la petite flamme de sa langue, de sa religion, de sa singularité, de sa mémoire, de son identité, avant d’échapper comme par miracle à l’anéantissement qui lui était promis. Mais aussi bien lorsque Israël, ressuscité au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale en compensation de ses souffrances, et rétabli sur le même sol que ses ancêtres avaient dû quitter mais où d’autres communautés avaient elles aussi vécu et fait souche depuis deux millénaires, les lointains descendants des légendaires Philistins et les voisins arabes de l’État hébreu se sont coalisés au moins à quatre reprises pour tenter de le faire disparaître, corps et âmes confondus. En vain…
7 octobre 2023 : le pire pogrom connu depuis 1945
La dernière tentative du genre, le 7 octobre 2023, l’agression monstrueuse du plus fort par le plus faible, préparée, planifiée, perpétrée par la milice d’une organisation terroriste, s’est traduite par le pire pogrom connu depuis 1945, la mort de plus de douze cents hommes, femmes, enfants, presque tous civils, et la capture de plus de deux cents otages, voués par la suite à la plus cruelle des captivités et le plus souvent à la mort. Dans la stupeur et l’effroi succédant au carnage, les amis d’Israël s’étonnaient de sa vulnérabilité et constataient, avec l’absence de prévision de son gouvernement, de son armée, de ses services, également pris en défaut, la barbarie, l’acharnement et l’efficacité de ses inlassables adversaires. On a pu alors, à travers tout l’Occident et, au-delà, partout où le fanatisme anti-israélien n’a pas étouffé l’humanité la plus élémentaire, pleurer sur le massacre des innocents et trembler pour la seule démocratie du Proche-Orient dont on redécouvrait ou croyait redécouvrir l’apparente fragilité. C’était, il y a un peu plus d’un an et demi. Déjà…
Depuis lors, le poing de fer de Tsahal s’est abattu sur tous ceux qui, de près ou de loin, militairement, politiquement ou affectivement, s’étaient associés au guet-apens sanglant du Hamas. Réveillé de son étrange et presque incompréhensible somnolence, Israël a montré, démontré et plus que surabondamment prouvé sa supériorité littéralement écrasante - Dieu merci - sur l’ensemble de ses adversaires, aussi bien actifs que symboliques réellement ou potentiellement dangereux, authentiquement criminels ou seulement parents, enfants, amis, voisins des assassins du 7 octobre. Le Hamas décapité, le Hezbollah décimé, le Liban puni, la Syrie, les Houthis bombardés pour le principe, l’Iran qui n’a échappé aux représailles que faute de l’indispensable feu vert des États-Unis, l’enclave de Gaza, enfin et surtout, témoignent…
Qui sont, aujourd’hui, les pires ennemis d’Israël ?
Témoignent de quoi, au fait ? De l’implacable mais juste volonté d’Israël de châtier indifféremment ceux qui combattent effectivement, mais aussi ceux qui haïssent et, par contamination, ceux qui n’aiment pas « l’entité sioniste », comme on dit à Téhéran ? Israël, dont la survie des dirigeants est intrinsèquement liée à la poursuite, voire à l’extension, d’une guerre sans fin est-il resté dans les limites d’une punition proportionnée de ceux qui ont réellement agi pour sa perte ou n’a-t-il pas cédé à une soif de vengeance que rien n’a assouvie jusqu’à présent et, pire encore, saisi l’occasion que lui ont offerte d’imprudents fanatiques d’étendre ses frontières, d’annexer contre tout droit la Cisjordanie, de compromettre, voire de ruiner, toute possibilité d’apaisement, de conciliation, de réconciliation, de coexistence pacifique entre les deux États que souhaitaient non seulement Yitzhak Rabin, martyr de la paix, mais Moshe Dayan, Menahem Begin et jusqu’au belliqueux mais réaliste Ariel Sharon ? Le maintien au pouvoir de Benyamin Netanyahou et de l’équipe de furieux qui lui permet d’échapper aux tribunaux et à la destitution aussi longtemps que dureront les hostilités légitime-t-il l’attitude, les actes et les projets d’un gouvernement qui ne connaît et ne respecte plus que la prétendue raison du plus fort et foule aux pieds le droit, la justice et l’humanité ?
Disons les choses comme elles sont et non comme certains s’obstinent à les présenter, fallacieusement, qu’ils croient en effet ou qu’ils fassent comme s’ils croyaient que les sentiments qui prévalaient et les actions qui s’imposaient en octobre 2023 n’ont rien perdu de leur pertinence et de leur justification. Qui sont, aujourd’hui, les pires ennemis d’Israël ? Ceux qui, réduits à l’impuissance, qu’ils soient morts ou neutralisés, rêvaient ou rêvent encore d’éliminer Israël de la carte du monde ? Ou ceux qui, jour après jour, ternissent, salissent, défigurent l’image, la moralité, la légitimité d’Israël ?
Il faut une considérable overdose de mauvaise foi pour accuser d’antisémitisme, comme vient de le faire Tel Aviv, la Grande-Bretagne, le Canada et la France, indéfectibles soutiens d’Israël, qui condamnent désormais, au nom de l’idée qu’ils se faisaient d’Israël, les actions criminelles menées et annoncées par le gouvernement de M. Netanyahou.
Qui aurait cru, en 1948, en 1956, en 1967, en 1972, qu’Israël serait un jour ce pays qui annexe de fait des terres et des villes qui ne lui appartiennent pas en droit, Qui eût cru qu’Israël serait ce pays qui détruit délibérément des immeubles, des hôpitaux, des écoles et ceux qui les habitent ou s’y sont réfugiés, ce pays qui annonce son intention de déporter on ne sait où deux millions d’êtres humains, ce pays qui avant de les chasser les affame, ce pays qui bombarde les champs de ruines qu’il a créés, ce pays qui a fait payer à des dizaines de milliers de civils et à des milliers d’enfants la seule faute d’être nés palestiniens ?
Terminons sur un autre proverbe. Qui sème le vent récolte la tempête, dit la sagesse des nations. Il ne suffit pas de semer du blé pour le récolter, car la grêle peut détruire la récolte. Mais on n’a jamais vu semer la haine et la mort puis récolter l’amour et la paix. Israël a gagné, une fois de plus, la guerre. Il est en passe de rater, une fois de plus, la paix.
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59 commentaires
Cher Monsieur Jamet, Israël prend au sens propre l’expression « plus jamais ça ! ». Et il n’y aura pas de solution à deux États tant que le Hamas pourra encore bouger un doigt .
« ce pays qui détruit délibérément des immeubles, des hôpitaux, des écoles et ceux qui les habitent ou s’y sont réfugiés…. »
Oui car ceux qui s’y sont lâchement réfugiés sont les terroristes eux mêmes ! Il faudrait quand même pour être honnête le préciser !