Stanislas Guerini, vous connaissez ? Vous devriez, depuis son élection, en décembre dernier, à la tête du parti LREM, et depuis la présentation qui vous en a été faite par Georges Michel. Une élection placée sous le signe de la déconnexion, à l'heure où la crise des gilets jaunes explosait.

Déconnexion ? C'est peut-être celle de la tête de liste Nathalie Loiseau qui pousse M. Guerini à se démultiplier dans sa campagne pour les européennes. Et hier, il avait choisi des terrains très étrangers aux beaux quartiers et aux trottinettes de sa circonscription parisienne : la Gironde profonde, qui a surpris, ces derniers mois, tous les observateurs par son implication dans la révolte des gilets jaunes. Pierre Vermeren, qui publie ce 2 mai un livre passionnant (La France qui déclasse, Les Gilets jaunes , une jacquerie au XXIe siècle) avait, dès le 21 novembre dernier, dans un article du Figaro intitulé "«Gilets jaunes» : l'exemple des mutations de Bordeaux et de la Gironde", donné les clefs sociologiques et économiques de cette particularité girondine.

À l'occasion de sa venue à Bordeaux, le « délégué général » de LREM a répondu à quatre petites questions du journal Sud-Ouest. Des questions qui avaient le mérite de toucher aux sujets qui fâchaient les gilets jaunes et qui pointaient la responsabilité d'Édouard Philippe et d'Emmanuel Macron dans le déclenchement de la crise : 80 km/h imposé aveuglément à tout le territoire, CSG sur les petites retraites, etc.

L'assouplissement au niveau local des 80 km/h : « S’agit-il d’un revers pour le Premier ministre ? » On sait, en effet, que l'obstination du Premier ministre sur cette mesure faisait courir le bruit qu'il pourrait démissionner si le Président le lâchait sur ce point.

Réponse de M. Guerini : « Non. Le président de la République s’était exprimé dans le grand débat pour dire que s’il fallait assouplir l’application de cette mesure [...] il faudrait le faire au plus près du terrain. C’est aussi ça, le changement de méthode qu’on veut. Avoir plus d’intelligence au niveau des territoires où doivent se prendre les décisions. C’est du pragmatisme. »

« Plus d'intelligence au niveau des territoires » : l'intelligence qui loge à Matignon appréciera !

Les « mesures correctives » sur la CSG et les retraites révèlent-elles « la déconnexion du chef de l’État à l’égard du pays » ?

« Au contraire, renchérit M. Guerini, il y a peu de chefs de l’État qui, dix-huit mois après leur entrée en fonction, ont décidé de prendre ce temps-là de débattre avec le pays. C’est inédit. C’est tout sauf de la déconnexion, c’est du pragmatisme. Il s’agit de relever le pays en écoutant. »

Traduction de la langue de bois guerinienne : Macron n'a pas écouté, il était bien déconnecté et il est obligé, six mois après, de défaire ce qu'il a fait il y a un an. Et, effectivement, il y a peu de chefs d'État à qui une telle volte-face a été imposée. Une volte-face à 17 milliards d'euros, tout de même. Jacques Chirac avait été plus rapide, moins coûteux et plus drôle avec son CPE.

Avec une telle langue de bois, Stanislas Guerini me semble fort bien placé pour accéder rapidement à Matignon. Déjà Frédéric Sirgant avait noté que la mise en orbite de M. Blanquer dans Le Point sentait le roussi pour Édouard Philippe. Et voici que Françoise Fressoz, dans Le Monde, nous explique qu'« Emmanuel Macron a pris conscience du degré de haine qu’il avait suscité dans une partie de la population. Désormais, des fusibles sont prévus en cas de coup dur, au premier rang desquels Édouard Philippe. »

Stanislas Guerini ? Un fusible tout neuf pour remettre la lumière à Matignon. De la part de l'ancien directeur du bureau des élèves de HEC, « c'est tout sauf de la déconnexion, c'est du pragmatisme ».

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01 mai 2019 à 9:37

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