Sport et drogues « récréatives » : l’Agence mondiale antidopage défaillante

dopage

Le sport a longtemps contribué à détourner l’homme de ses tentations toxicophiles, toujours en embuscade. Il s’est particulièrement développé dans notre pays à une époque où l’alcool y faisait des ravages. Le village de mon enfance comptait, pour 1.800 habitants, 20 « bistrots » qui intoxiquaient une fraction significative de la population masculine. Chaque village avait son terrain de football, « son club de foot », ses entraînements pluri-hebdomadaires, ses matchs, ses moniteurs dévoués, ses supporters qui ne loupaient aucun match. D’autres activités apparurent et l’alcool a reculé, passant, en 40 ans, d’une consommation annuelle, par Français, de 22 à 11 litres d’alcool pur. Les bistrots ont fermé, il n’en reste qu’un qui vend journaux, tickets de jeux de hasard, tabac, bières, peu de vin et davantage de spiritueux…

Cette heureuse évolution s’essouffle ; le lobby alcoolier et la compromission de politiques de tous bords détricotent la salutaire loi Évin. Des députés de LREM « en remettent une chope », souhaitant voir autorisée à nouveau la vente des boissons alcooliques dans les buvettes des stades. Arrêtons là pour l’alcool.

Le sport professionnel s’est développé, drainant des crédits extravagants, comme le sont les revenus de joueurs déifiés et choyés. Ce sport spectacle, aux énormes enjeux matériels, incite ses athlètes à s’adresser aux tricheries du dopage.

L’Agence mondiale antidopage (AMA), qui veille sur le « sport propre », siège à Montréal, au Canada, qui vient de légaliser le cannabis. Constatant la multiplication des contrôles positifs à des drogues dites « récréatives »  (le cannabis/THC, l’ecstasy, l’héroïne), elle décide de réduire considérablement les sanctions pouvant être infligées aux sportifs qui présenteraient ces drogues dans leurs urines, les faisant passer de 4 ans de suspension à 4 semaines seulement. Loin de résister à l’affaiblissement des mœurs, l’AMA accompagne le mouvement ! Le sport comme moyen de réfréner les appétits toxicomaniaques devient un fabliau. Le sportif donné en exemple à une jeunesse de plus en plus vulnérable aux toxicomanies, c’était « le monde d’avant ». Cette tendance vient de loin ; pour le cannabis, il y a trois ans, l’AMA avait déjà relevé de 50 à 150 ng de THC/ml d’urine son seuil répréhensible. Aujourd’hui, elle diminue la sanction. Les errements de la vie privée peuvent désormais, sans grand dommage, empiéter sur la vie sportive et même sur ses compétitions.

Ces nouvelles dispositions feignent d’ignorer les interférences de ces drogues sur les performances sportives et, partant, l’équité entre compétiteurs. L’ecstasy est stimulante comme l’est l’amphétamine. Le THC du cannabis, par ses effets désinhibiteurs, peut rendre plus agressif dans des sports de combat ; par son effet anti-trémulant, plus précis dans le tir à l’arc ou à la carabine ; par ses effets analgésiques, à l’instar de l’héroïne, aider dans les sports où la douleur limite les performances…

Par ces nouvelles dispositions, l’AMA renonce aux effets de prévention qu’exerçait le sport sur les toxicomanies ; elle renonce à l’exemplarité dont il était porteur pour la jeunesse ; elle en prend même à son aise avec certains aspects du dopage en ouvrant de nouveaux espaces pour la tricherie.

L’AMA transgresse, ce faisant, les grands principes à l’origine de sa création en 1999, qu’elle avait défendus jusqu’à maintenant. Sa liste des substances interdites, régulièrement actualisée, s’appuie sur des règles visant non seulement à maintenir l’équité entre sportifs, mais aussi à garantir l’intégrité de leur santé.

Une substance est interdite quand elle coche au moins deux des trois critères suivants :

- susceptible d’améliorer les performances ;

- présenter un risque potentiel pour la santé du sportif ;

-  contrevenir à l’esprit sportif, notamment à l’éthique, à l’honnêteté, à la santé, à l’épanouissement de la personnalité, au respect des règles et des lois, au courage, à l’esprit de groupe et à la solidarité.

« Paroles, paroles, paroles. » L’âme a ses défaillances comme l’AMA les siennes vis-à-vis des drogues.

Jean Costentin
Jean Costentin
Docteur en médecine

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