Solidaires des Grecs que menacent à nouveau les « mauvais génies de la nuit »

athenes

Il y a 200 ans, l’Europe volait au secours des Grecs lorsqu’ils se soulevèrent contre la domination ottomane, comme le rappelle fort opportunément l’exposition « Paris-Athènes. Naissance de la Grèce moderne » que le Louvre, jusqu’au 7 février 2022, consacre à cette cause toujours actuelle et même plus que jamais d’actualité. Financièrement exsangue, la Grèce croule en effet sous l’afflux des réfugiés : de par sa géographie, elle est devenue une porte d'entrée vers l'Europe pour des milliers d’entre eux. Mais plus qu’une simple invasion migratoire, c’est une véritable bombe à retardement que son voisin, la Turquie, a voulu lâcher sur le sol grec, comme l’avait annoncé, dès l’année dernière, l’historien et ethnologue Panagiotis Grigoriou dans l’entretien recueilli pour Boulevard Voltaire par Maud Protat-Koffler : « Ces migrants sont savamment mêlés aux agents de la Turquie et aux islamistes », avait-il encore prévenu, comparant ce raz-de-marée humain à un véritable cheval de Troie, une « arme humaine à destruction massive, instrumentalisée pour en finir avec les nations européennes ».

Malgré cette mise en garde, il n’est pas sûr que l’on se pose aujourd’hui les mêmes questions qu’il y a deux siècles, lorsque Chateaubriand, avec Lord Byron et Victor Hugo, en appelait au sursaut contre « l’oppresseur turc » : « Notre siècle verra-t-il des hordes de sauvages étouffer la civilisation renaissante d’un peuple qui a civilisé la Terre ? La chrétienté laissera-t-elle tranquillement des Turcs égorger des chrétiens ? Et la légitimité européenne souffrira-t-elle sans être indignée que l’on donne son nom sacré à la tyrannie qui aurait fait rougir Tibère ? »

Où sont les intellectuels philhellènes de ce siècle pour sensibiliser l’opinion et rappeler aux peuples d’Occident leur immense dette morale envers les Grecs.

« Nous sommes tous des Grecs, écrivait encore Shelley, nos lois, notre littérature, notre religion, nos arts prennent tous leurs racines en Grèce. Si la Grèce n’avait existé, nous aurions pu n’être encore que des sauvages et des idolâtres. »

Sous les cariatides pillées du temple d’Athéna, Ernest Renan avait eu, quant à lui, ces mots prophétiques dans sa merveilleuse prière sur l’Acropole : « Le monde ne sera sauvé qu’en revenant à toi, Athéna, en répudiant ses attaches barbares. Courons, venons en troupe. Quel beau jour que celui où toutes les villes qui ont pris des débris de ton temple, Venise, Paris, Londres, Copenhague, répareront leurs larcins, formeront des théories sacrées pour rapporter les débris qu’elles possèdent, en disant : "Pardonne-nous, déesse ! C’était pour les sauver des mauvais génies de la nuit". »

Dans son discours sur l’Acropole, André Malraux, en écho à Ernest Renan, avait eu cette même fulgurance : « Et puisse le monde ne pas oublier, au-dessous des Panathénées, le grave cortège des morts de jadis et d’hier qui monte dans la nuit sa garde solennelle, et élève vers nous son silencieux message. »

Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes tous des enfants d’Athéna, philhellènes jusqu’au bout des ongles, solidaires des Grecs que menacent à nouveau, de Schäuble-Merkel à Erdoğan, les « mauvais génies de la nuit ».

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José Meidinger
Journaliste - Ancien grand reporter à France 3 Alsace, il passe son temps entre l’Alsace et la Grèce.

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