Six Vénus de Milo « sportives » ornent l’Assemblée nationale : tout sauf original !

Difficile de ne pas les voir en passant derrière l’Assemblée nationale : six Vénus de Milo flashy déparent la colonnade. Dans cette installation intitulée « La Beauté et le Geste », on cherche… la beauté. Le geste, on l’a, puisqu’elles ont retrouvé leurs bras pour pratiquer basket, boxe, javelot, surf ou tennis… L’une fait du « para-tir à l’arc », car elle n’a qu’un bras. Vous l’aurez compris, c’est dans le cadre de « l’Olympiade culturelle » que la façade néo-classique de l’Assemblée s’encombre de ces dames en résine acrylique signées Laurent Perbos.

6 Vénus en forme olympique à l'Assemblée !

Réinterprétation de la Vénus de Milo, pratiquant le javelot ou encore le para-tir à l'arc, l’œuvre de @laurent_perbos s'inscrit dans le cadre de l'#OlympiadeCulturelle.
Elle est visible dès aujourd'hui et pendant tous les #JOP2024. pic.twitter.com/pQnxAoPWbt

— Assemblée nationale (@AssembleeNat) April 2, 2024

Ces Vénus de Milo revisitées n’ont pas été achetées par l’Assemblée nationale. L’opération, explique Laurent Perbos à BV, a été financée par un mécène privé. L’artiste lui-même a été « accompagné » par un chèque de quelques milliers d’euros, sur vote des questeurs. Voilà de l’argent bien employé, dès lors que l’installation met en lumière, comme l'énumère l’Assemblée nationale, « l’inclusivité », « l’égalité », « le respect pour tous » et « la féminité ». Cerise sur le gâteau, la résine acrylique utilisée est « écologique ». Difficile de faire plus consensuel. L’institution en est si fière qu’elle n’hésite pas à parler d'« une proposition artistique majeure ».

Puisque c’est de l’art, et du majeur, analysons-le comme tel. Les couleurs flashy sont justifiées par un rappel historique : les sculptures antiques étaient peintes. Mais peintes comme ça ? Les sculpteurs grecs, qui façonnaient la forme avec un soin jaloux, ne foutaient certainement pas tout en l’air, une fois la sculpture achevée, en versant sur la tête de leurs personnages un seau de peinture. On peut penser qu’ils mettaient le même souci à les peindre qu’à les sculpter. Et pour l’originalité, on repassera. Boutiques de Musées, un site officiel de la Réunion des musées nationaux, vend déjà des répliques « pop » de la Vénus de Milo en sept coloris différents. On les trouve là alignées comme à la parade. Il ne manque qu’une colonnade à l’arrière-plan.

Vénus de Milo "pop" vendues par Boutiques de musées.

La grande spécificité de ces Vénus de Milo serait d’avoir... des bras ! D'une affligeante banalité. Salvador Dalí, lui, avait équipé la sienne de tiroirs ! Sous des dehors non conformistes, l'artiste versait dans l’humour potache : dans certains montage photo, la Vénus de Milo fait du tricot… ou un doigt d’honneur. Doter la Vénus de Milo de bras est un lieu commun des arts plastiques au... collège. Pour les plus jeunes, un site de coloriage culturel propose même de colorier une Vénus de Milo qui joue au tennis (illustration ci-contre). Comme à l’Assemblée. Un site de moulages en résine propose, lui, une Vénus de Milo qui boxe. Encore comme à l’Assemblée. Un autre dessin d’enfant la montre jouant au basket. Là aussi, comme à l’Assemblée.

Bref, une Vénus de Milo qui a des bras, c’est vu mille fois, et qui fait du sport, vu et revu. Même l’allusion au handicap n’est pas neuve : dans une campagne qui a fait date, en 2018, Handicap International avait « équipé » la Vénus de Milo de prothèses.

Et pour vous dire combien l’installation « La Beauté et le Geste » n'a décidément rien d'original, le palais Brongniart expose actuellement de géantes statues de sportifs en résine orange vif devant sa colonnade. Surveillons les colonnes de la Madeleine et celles du Panthéon, qui pourraient bien être frappées à leur tour par ce parasitisme esthétique.

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