Si Marine Le Pen est élue présidente, elle élèvera au maréchalat le général de Castelnau

castelnau

En ce 11 novembre 2021, Marine Le Pen, candidate à la présidence de la République, a fait une annonce qui peut sembler incongrue : si elle est élue, elle élèvera le général Édouard de Castelnau (1851-1944) au maréchalat. Castelnau, le sauveur de Nancy en septembre 1914.

La dernière fois qu’un général se vit conférer (à titre posthume) cette dignité dans l’État remonte au 8 juin 1984, par décret de François Mitterrand au profit du général d’armée Pierre Koenig (1898-1970), héros de Bir Hakeim, commandant en chef des Forces françaises de l’intérieur en 1944 et compagnon de la Libération. Fallait-il voir dans cette reconnaissance de la nation, quatorze ans après la disparition de Koenig, un pied de nez du Président socialiste aux pouvoirs gaulliste et giscardien qui n’avaient jamais répondu aux propositions de loi parlementaire visant à élever au maréchalat l’ancien commandant de la 1re division française libre ? Un général Koenig qui avait été le collègue de Mitterrand durant deux mois (de juin à août 1954) dans le gouvernement Mendès France, le premier à la Défense nationale et aux forces armées, le second à l’Intérieur. La politique s’invite toujours un peu dans ces nominations à une dignité qui n’a été conférée, en France, qu’à 342 hommes depuis sa création au XIIe siècle.

C’est d’ailleurs la politique qui empêcha le général de Castelnau d’obtenir le bâton de maréchal. Il avait pourtant commandé en chef durant la Grande Guerre, s’était vu conférer les plus hautes distinctions (médaille militaire et grand-croix de la Légion d’honneur). Mais voilà, Castelnau sentait la sacristie et était classé à droite. Foch aussi, plus discrètement peut-être. Mais Foch était le général en chef des armées alliées en France, autrement dit le « généralissime ». La carrière de Castelnau avait déjà été freinée à l’époque de l'affaire des fiches à cause de ses convictions catholiques. Un polémiste du journal L’Aurore était même allé jusqu’à révéler qu’il descendait d’un émigré, combattant de l’armée de Condé ! Après la Première Guerre mondiale, Édouard de Castelnau devint député de l’Aveyron dans la fameuse vague « bleu horizon », sous l’étiquette « Fédération républicaine », classée à droite. Il devint aussi éditorialiste de L’Écho de Paris, un journal d’orientation conservatrice et patriotique, qui tirait alors à 200.000 exemplaires par jour… Alors, lorsqu’une nouvelle liste de maréchaux (faisant suite aux élévations de Joffre en 1916 et de Pétain et Foch en 1918) fut établie en 1921 (Gallieni, à titre posthume, Lyautey, Franchet d’Espèrey et Fayolle), Castelnau fut écarté par le gouvernement Briand. Clemenceau lui-même, pourtant peu suspect de cléricalisme et de sentiment droitier, s’étonna de cette non-nomination : « Je n’aurais été ni surpris ni chagriné de voir le nom de M. le général de Castelnau parmi les six maréchaux de France. Il est regrettable qu’on l’ait oublié et c’est à nous et non pas à lui que cet oubli fait le plus grand tort. »

Les années ont passé, l’élévation au maréchalat des généraux de la Grande Guerre remonte maintenant à un siècle et Castelnau mourut, il y a soixante-dix sept ans. J’ai souvenir que, régulièrement, les promotions de Saint-Cyr proposaient Castelnau (saint-cyrien de la promotion 1869-1871) comme parrain. En vain. Jusqu'à 2012. Enfin. Mais avec les contorsions dont on a le secret en France, car cette promotion s’appelle « Général et sous-lieutenant de Castelnau », associant ainsi au nom du général celui de son fils Xavier, lui aussi saint-cyrien, tué en 1914, alors qu’il était sous les ordres de son père. Promotion « Général de Castelnau » eût été sans doute trop… Trop quoi, d'ailleurs ?

Trop à droite, peut-être ? Ceux qui font commerce de manichéisme en revisitant notre Histoire à grandes enjambées, harnachés de visières idéologiques, découvriront avec intérêt que ce « catho-réac », comme on dit aujourd’hui, n’eut pas de mots assez sévères pour le maréchal Pétain et la signature de l’armistice de 1940.

Le général de Castelnau, maréchal de France ? Cela nous changerait de la vague de misérabilisme ambiante.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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