Selon le CFCM, l’abaya n’est pas un signe religieux. Vraiment ?

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Rares sont les jours où l’on n'en entend pas parler. L’abaya, cette robe ample portée par les femmes musulmanes, suscite régulièrement la polémique, notamment depuis son apparition dans les établissements scolaires. S’agit-il d’un vêtement traditionnel, ce qui rendrait son port autorisé, ou est-ce un marqueur religieux, ce qui en ferait un accessoire contraire à la loi de 2004 sur la laïcité ?

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a tranché, ce 12 juin, dans un communiqué : l’abaya « n’est pas » un signe religieux musulman, explique l’association, qui évoque, en outre, son « sentiment d’être face à un énième débat sur l’islam et les musulmans avec son lot de stigmatisations ».

Si le CFCM est clair, la loi l’est quant à elle beaucoup moins, ce qui crée un flou sans doute confortable pour les gouvernants, mais bien moins pour ceux qui rencontrent le problème au quotidien, et notamment les professeurs. Le 15 mars 2004 est ainsi promulguée une loi visant à encadrer le port de tenues religieuses dans les établissements scolaires. Le texte stipule, en particulier, que « les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive ». Si le voile est mentionné, ce n’est pas le cas de l’abaya qui demeure pour sa part dans le flou. Ce n’est pourtant pas faute de faire parler de lui.

Près de dix ans après cette loi sur la laïcité, les professeurs font part de leur ras-le-bol. Outre le voile islamique, quels sont les « signes religieux ostensibles » ? Les enseignants, livrés à eux-mêmes pour répondre à ces questions essentielles, demandent des « consignes claires », rapportant que « les élèves et parfois leurs familles dénient fréquemment toute dimension religieuse au port de ces tenues, mettant en avant leur caractère culturel ». Un SOS auquel l'Éducation nationale répond, le mois suivant, par une circulaire visant à éclaircir le sujet des tenues religieuses. « Même s’il ne s’agit pas d’une tenue religieuse par nature, le port d’un vêtement peut revêtir un caractère religieux éventuel (par exemple : abayas, bandanas, jupes longues) – bien qu’il faille apprécier cette utilisation au regard du comportement de l’élève », explique le document. Les préconisations sont à peine plus claires : tout dépend donc du « comportement » de l’élève. La décision est, une nouvelle fois, laissée à l’appréciation des professeurs.

Le 1er juin 2023, le sénateur (Reconquête) Stéphane Ravier relaie l’appel au secours des enseignants et dépose une proposition de loi visant « à renforcer le principe de laïcité de la loi de 2004 en ajoutant, dans le Code de l'éducation, la mention aux vêtements religieux par destination, de type "qamis" ou "abayas", comme étant interdits à l'école ». Quelques jours après, le ministre de l'Éducation nationale s'entretient avec les différents recteurs d'académie et déclare, à cette occasion, que les abayas sont « clairement concernées par la circulaire du 9 novembre, nous n’allons pas éditer un catalogue de centaines de pages avec des formes de manches ou de couleurs, on ne s’en sortirait pas d’un point de vue juridique ». On soulignera simplement que le mot « abaya » est cité une seule fois dans ce fameux rapport de 69 pages et que la phrase - citée plus haut - n'éclaircit strictement rien. Un an après une note alarmiste des renseignements territoriaux sur la « multiplication » du port du voile islamique et des tenues traditionnelles à l'école, voilà donc comment l'Éducation nationale a décidé de régler le problème...

Côté musulman, les pudeurs de violette ne sont pas de mise : au fil des blogs, médias ou marques de prêt-à-porter, l’abaya est officiellement reconnue comme un marqueur religieux revendiqué. « Elle est le symbole de l’islam », explique l'établissement Boutique musulmane. Ajib.fr, le « média musulman qui partage les bonnes nouvelles », explique quant à lui que « ce vêtement répond parfaitement aux exigences de l’islam, puisqu’il couvre l’intégralité du corps féminin, excepté le visage, les mains et les pieds ». « Bien plus qu’un vêtement, une conviction », précise encore l’article, qui explique que « l’abaya représente la pièce maîtresse de la tenue vestimentaire des croyantes ». Un autre site de prêt-à-porter définit quant à lui l’abaya comme une « longue robe orientale généralement de couleur noire portée par les femmes musulmanes pour cacher leur awra [c’est-à-dire leur nudité, NDLR] ».

Le CFCM et autres organes de communication de l’islam peuvent bien nier en bloc la dimension religieuse de l’abaya : leurs fidèles se chargent bien de démentir leurs discours feutrés et fallacieux. Ce qui est ennuyeux, en revanche, c’est cette propension de nos gouvernants à minimiser perpétuellement le problème, en prenant pour argent comptant de beaux discours qui les arrangent. Ce ne sont pas des circulaires, si nombreuses soient-elles, qui régleront la question. Une volonté intègre de regarder la vérité en face serait, en revanche, un bon début.

Marie-Camille Le Conte
Marie-Camille Le Conte
Journaliste à BV

Vos commentaires

54 commentaires

  1. Si Pap Ndiaye ne se sent pas en phase avec la loi du pays qu’il dirige en partie, faisant partie de son gouvernement, il peut toujours démissionner . Je propose qu’on bloque son salaire tant qu’il ne fera pas son travail et refusera d’appliquer la loi sur la laïcité, si un seul élève portant un vêtement religieux entre dans une école.

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