En ce samedi matin ensoleillé, le « Ministre de la chasse à Marine Le Pen » est venu sur le marché de Péronne. De son corps, il fera barrage à Damien Rieu, représentant des forces sataniques dans le département de la Somme. Bien décidé à sacrifier un poulet pour repousser les forces du mal, Éric Dupond-Moretti se fait apostropher, dans un premier temps, par François Ruffin. Ça commence mal. Le militant Insoumis invective plus particulièrement le ministre délégué à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, qui accompagne l'exorciste. « C'est pas en venant faire le kéké sur le marché qu'on défend les ouvriers », lui lance le disciple de Mélenchon en allusion à l'affaire Whirlpool.

L'ex-ministre de la Justice tente de calmer le jeu puis entraîne sa collègue vers la mission importante du jour : faire fuir les mauvais esprits qui hantent la région. Sur le marché, il trouvera tout un attirail d'amulettes, de gousses d'ail à suspendre et de la volaille vivante prête à faire don de sa personne pour la cause antifasciste.

Alors qu'Éric Dupond-Moretti prend quelques remontants à la terrasse d'un café avant de se lancer dans ses rituels de magie noire, il aperçoit soudain, attablé non loin de là... « Mais que vois-je ? Où suis-je ? » Damien Rieu. L'incarnation de Lucifer en terre picarde est là. Le sang de l'ex-avocat ne fait qu'un tour. Par un brillant plaidoyer, il va régler le compte de ce jeune malfaisant. S'ensuit une vive altercation à l'issue de laquelle le chasseur de démons s'en retourne à sa table quelque peu sonné par l'argumentaire du candidat RN : « Vous êtes ministre de la Justice, vous avez bien mieux à faire. Protégez les Français ! Allez faire votre boulot. Retournez travailler ! »

Le diablotin est intarissable sur le laxisme dont son voisin de table est l'un des représentants les plus acharnés : « Nous, on protège les Français, vous, vous protégez les détenus. La République, elle libère pas les terroristes, elle défend les policiers et les victimes. »

Venu terrasser la bête, le ministre se retrouve pris à partie de toutes parts. Traqué par le loup de droite et l'agneau de gauche, ou inversement. Il ne sait plus. Le bulldozer arrivé en héros repart cabossé par les coups de boutoir de la résistance au macronisme. Moins 2 % pour le candidat qu'il était venu soutenir ? Les militants pro-RN n'en demandaient pas tant.

Au moment où le ministre de la Justice se levait de sa chaise pour répondre à son interlocuteur, François de Rugy en campagne à Nantes se faisait enfariner par une passante. L'effet papillon. Puis Jean-Luc Mélenchon, en pleine manif à Paris, subissait le même sort. Un tsunami farineux s'apprête-t-il à déferler sur la campagne des régionales ? Éric Dupond-Moretti a été placé sous escorte pâtissière. Pour un homme déjà pétri d'humanisme, le coup serait rude.

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12 juin 2021 à 20:52

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