Roland Dumas nous a quittés : un homme qui demeura libre jusqu’à la fin…
Avec la mort de Roland Dumas, disparu ce 3 juillet, à l’âge canonique de 101 ans, c’est l’un des derniers ténors de la politique française qui s’en va. Ne reste plus que Jean-Marie Le Pen qui, à 96 ans, continue, malgré une santé physique chancelante, d’observer cette dernière avec une acuité intellectuelle toujours aussi vivace. D’ailleurs, ces deux-là se connaissaient depuis belle lurette. À l’auteur de ces lignes, le Menhir confia un jour : « Avec Roland, nous avons tous deux été les deux benjamins de l’Assemblée nationale, lors des élections législatives de janvier 1956. Lui candidat dissident de la SFIO [l’ancêtre du Parti socialiste, NDLR] et moi simple député poujadiste. Nous étions copains, à l’époque, malgré nos divergences politiques. Mais nous étions jeunes et pas trop mal fichus de nos personnes. Ayant tous deux connu les affres de la Seconde Guerre mondiale, notre appétit de vivre était insatiable et la passion des jeunes dames nous unissait. Ce n’est que plus tard que nous avons renoué, au début des années 2000. »
Un homme fidèle à sa légende
Il est vrai que sur ses vieux jours, Roland Dumas n’en avait plus guère à foutre de rien ; et surtout pas des élégances démocratiques. La preuve en est qu’il n’hésitait à venir discourir à Radio Courtoisie, où j’eus l’honneur de faire sa connaissance. L’homme était fidèle à sa légende : le regard matois de celui auquel on ne la fait pas, le sourire narquois du prélat, façon abbé de cour. En le voyant, on pensait aussitôt au joli mot d’esprit de Roger-Patrice Pelat, autre proche ami du Florentin : « François Mitterrand a deux avocats. Badinter pour le droit et Dumas pour le tordu. »
Au rappel de cette phrase, Roland Dumas paraissait la savourer, telle une Légion d’honneur. En effet, sous les deux septennats de son ami François – il était l’un des rares à avoir le droit de le tutoyer –, il fut souvent chargé d’exercer une sorte de diplomatie parallèle, voyageant partout dans le monde afin de parer les mauvais coups et d’en préparer de bons. « Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien », dit-on au Vatican, autre institution passée maître dans l’art de confier de discrètes missions à des plénipotentiaires l’étant tout autant.
L’intérêt de la France pour seule boussole
Il confirmait tout cela à demi-mot, lors d’un long entretien qu’il m’accorda en mai 2011, pour le défunt bimensuel Flash, alors que son passage au Quai d’Orsay (1988-1993) n’était plus qu’un lointain souvenir, ce qui ne l’empêchait pas de toujours s’inquiéter des influences étrangères sur la diplomatie française, celle des USA au premier chef. Et c’est ainsi qu’à cette question, « Un ancien de la DST nous a confié que François Mitterrand aurait dit, dès 1987 : “Nous sommes en guerre contre les États-Unis, le problème, c’est que personne ne s’en rend compte…” », il a cette réponse : « C’est une idée que François avait et je l’ai souvent entendu prononcer cette phrase. Mais en même temps, cela n’allait pas jusqu’à un climat de guerre… » Dans le même registre, quand on lui rappelle cette déclaration de Dominique Strauss-Kahn, faite en 1991, au magazine Passages, « Dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, au travers de l’ensemble de mes actions, j’essaie de faire en sorte que ma modeste pierre soit apportée à la construction de la terre d’Israël… », il lâche, l’air entendu : « Je trouve ces propos regrettables, c’est le moins que je puisse dire. »
Voilà le Roland Dumas tardif, dont Libération de ce 4 juillet assure qu’il était en plein « naufrage » et « mis au ban de l’Histoire. » Propos étranges, concernant un résistant de la première heure, ayant risqué sa jeune peau pour marcher dans les pas de Georges, son père fusillé, socialiste, cégétiste, franc-maçon, mais résistant historique et patriote avant tout, au contraire de communistes tardivement entrés dans le maquis. Ainsi Roland Dumas ne supportait-il pas qu’on mette en cause le passé résistant de François Mitterrand, tel qu’il l’affirma avec vigueur devant votre serviteur, allant jusqu’à citer l’un de ses confrères du barreau, Georges-Paul Wagner, jadis avocat personnel de Jean-Marie Le Pen et ancien jeune magistrat de Vichy, qui ne voyait pas « la contradiction entre résistant et vichyssois »… Roland Dumas : « Bien sûr que la véritable collaboration était plus à Paris qu’à Vichy. Lequel était un fourre-tout, où les gens passaient, et repartaient, assez souvent pour Londres. Ce qui a été le cas de Mitterrand. »
Quand la gauche avait encore de la gueule
À propos de « naufrage », il est vrai qu’avec les années, Roland Dumas avait repris son entière liberté, surtout lorsque définitivement blanchi dans les affaires d’Elf-Aquitaine, le 24 janvier 2003. De gauche, il était manifestement resté, mais d’une gauche élégante et enracinée dans son terroir limougeaud, là où son héros de père a toujours une rue baptisée en son nom.
Oui, libre, il l’était. Libre de donner un coup de pouce à Louis Aliot, vice-président du RN, lorsque ce dernier cherchait des parrains pour son entrée au barreau. Libre, encore, de défendre Marine Le Pen, il y a plus de dix ans, en déclarant : « Les journalistes, au lieu de vitupérer à tort – salauds ! fascistes ! – devraient se poser la seule question qui en vaille la peine : pourquoi les Français votent-ils pour madame Le Pen ? Alors, quand on dit ça, on vous répond que vous êtes lepéniste. »
Il n’est pas sûr que cet homme ait apprécié l’anti-nazisme de comptoir ayant aujourd’hui cours. Car les nazis, les vrais, il les avait affrontés dans le maquis, et non point au comptoir du Café de Flore. Il n’y a pas à dire, il fut un temps où la gauche avait encore de la gueule. Et si son « naufrage » présumé n’avait été finalement qu’ultime panache ?
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23 commentaires
Diantre ! Vous y allez un peu fort….
La seule boussole, ou plutôt les seules boussoles de Dumas : paraître et l’argent !
Ces confrères avocats l’avaient bien cerné puisqu’ils disaient :
« Chez Dumas, il n’y a que le volant de sa Porsche qui est à gauche ».
Un voyou élégant reste un nuisible.Celui ci faisait partie de la bande des 40 voleurs du mythe erànd. Il à largement participé à destruction de la France.A.Lerte
Pas plus ni moins nuisible que ceux d’aujourd’hui
Roland DUMAS avait la classe et l’élégance qui font tellement défaut aux technocrates sans substances qui dirigent aujourd’hui la France.
Portrait réaliste de Roland Dumas. Un détail : “Vichy”, ce fut toujours la République, de par la composition de ses réseaux de pouvoir, l’origine de ses responsables, de ses programmes (politiciens, militaires, financiers, journalistiques, intellectuels…). Les Résistants aussi, d’ailleurs, de l’Intérieur, de Londres, puis d’Alger. La différence, c’est le rapport inversé au nazisme, notamment quant à la destruction des Juifs d’Europe et à l’humiliation complète de la France par les hommes d’Hitler, leurs traîtres et truchements français. Par ailleurs, des “Républicains” de droite, du centre, de gauche, cautionnant Hitler, ont voulu se venger en rejouant une guerre franco-française depuis le XVIe siècle, de Religion et de “Révolution”, contre le Peuple.
Ruses du réel : des résistants se sont déchirés entre eux, ou ont trahi leurs camarades, alors que certains hommes de Vichy ont saboté les ordres, et/ou, agrippant la bouée de l’honneur, sont entrés patriotiquement par étapes en dissidence.
Mais aujourd’hui, plus de confusion entre “République” et “Démocratie”. Cela ne passe ni pour la Science Politique ni pour le “Tribunal de l’Histoire”.
Fripouille avec élégance, crapule avec intelligence, tordu avec constance. Un digne serviteur d’un « tonton » flingueur.
Parfaite définition !! La Classe
Magnifique, votre commentaire.
Et surtout, du moins je le crois, très approprié.
Un homme libre !! de quoi, de qui ?
Au courant de toutes les magouilles de l’air mitterrand… donc libre au détriment du peuple français !!! N’en déplaisent à ses rares partisans et partisanes
J’en ai un peu ma claque d’entendre les éloges d’un tel ou une telle dès lors que la grande faucheuse s’est chargée de leur sort, M. Dumas comme tant d’autres a eu des hauts et des bas (même des chaussures de grande facture) , il a mené grand train de vie avec ses relations qui pour certaines pas toujours fréquentables. Mais il est de notoriété publique que seuls les personnages en vue sont exonérés de tout manquement à la morale .
Oui, libre jusqu’à la fin, alors qu’il aurait mérité quelques séjours à l’ombre.
Trop bon et pertinent !
Complice et coupable du désastre dans lequel se trouve la France aujourd’hui , je ne vois rien d’autre à ajouter si ce n’est que ce type s’en sort bien , tirer sa révérence sans rendre de comptes
j’admire votre liberté de jugement sans a priori y compris concernant un fidèle de Mitterrand ex ministre des affaires étrangères . J’avoue que cela avait de la gueule, la diplomatie, avant , celui qui fait la politique étrangère de la france aujourd’hui , c’est Macron !
Il est vrai qu’il avait une grande intelligence et pas seulement pour paraître comme le petit président actuel à qui on prête des qualités que je ne lui reconnais pas. Cependant, Roland Dumas avait un défaut : il avait aussi l’arrogance de l’élite comme l’hôte de l’Elysée. J’ajoute : excellent article de Nicolas Gauthier.
Roland Dumas… Ce nom me fait invariablement penser à une paire de bottines.
J’avais calculé à l’époque que l’argent qu’il avait coûté lors de l’affaire Elf était une rue de 20000 km avec à droite et à gauche une maison de 120 m2 tous les 25 m. Car les sommes ne sont que des chiffres, la, c’est palpable.
Qu’en pense Mme Deviers Joncour ?
Moi également.
Les bottines de Dumas et les costumes de Fillon… resteront dans les annales de la petite histoire.
Difficile de lui trouver des qualités , il était de gauche et a participé au déclin de ce pays , coupable au même titre que son président Mitterand .
Encore un nocif qui aura saccagé la FRANCE et les français sur l’autel de son « bon vouloir » et pour ses propres avantages ! …
Qui fera le décompte du fric de dingue que ce virus aura coûté depuis qu’il était dans les « couloirs du pouvoir » rien qu’en salaires et autres « avantages » ? …
Encore un cercueil où l’auto proclamé « premier de cordée » va vouloir s’appesantir ! ? … Qu’il fasse vite avant d’être concerné par « une belle cérémonie d’adieu » ! … Le 07 juillet est une belle date pour lui signifier une nouvelle fois par les urnes ce que la très grande majorité des français lui dit : « casses toi ! … Nous ne voulons plus de toi ! … Et qu’il passe directement dans la case condamnation pour haute trahison et mise en danger de mort avec préméditation de la FRANCE et des français …
entièrement d’accord, ce type devrait être jugé au plus vite pour trahison envers son pays et son peuple!