Indignation dans la sphère de la bien-pensance : elle accuse un navire commercial italien d'avoir enfreint le droit international en reconduisant en Libye 108 migrants secourus à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Tripoli. Les méchants Italiens ! Et, surtout, cet infâme gouvernement et ce sinistre ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini !

Pendant plusieurs années, les gardes-côtes italiens ont coordonné les opérations de sauvetage en Méditerranée pour ramener les migrants en Italie. Les donneurs de leçons ne voyaient pas, alors, d'inconvénient à laisser cette lourde charge à un seul pays de l'Union européenne. Depuis juin 2018, le gouvernement italien, qui fournit des vedettes aux Libyens, leur demande de s'en occuper.
Des ONG accusent l'Italie de violer le droit international, soutenues par le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés, selon lequel la Libye n'est pas un port sûr. En 2012, la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné l'Italie pour avoir reconduit, en 2009, des migrants en Libye. Ce pays était alors dirigé par Mouammar Kadhafi.

On sait que, depuis sa chute en 2011, les migrants africains y subissent des détentions arbitraires et toutes sortes de violences. La communauté internationale et des institutions comme l'ONU ne devraient-elles pas, prioritairement, s'occuper de cette situation chaotique dont elles sont en partie responsables plutôt que de montrer du doigt l'Italie ?

Lors du dernier sommet, réuni fin juin à Bruxelles, pour sauvegarder les apparences de l'union, les dirigeants européens sont convenus de réfléchir à des « plates-formes régionales de débarquement » dans des pays tiers et ont évoqué la création de « centres contrôlés », à l'intérieur de l'Union européenne, sur la base du volontariat. Plus d'un mois après, on en est au même point, chaque État estimant que c'est l'autre qui est concerné. Il n'y a pas de plus grande hypocrisie que d'occulter les problèmes réels posés par l'immigration pour se dispenser de trouver des solutions.

On apprend aussi qu'un député italien de gauche, qui a suivi les échanges radio de cette opération à bord du navire d'une ONG espagnole, a déclaré que ce renvoi en Libye était « un refoulement collectif ». Pas d'intention politicienne, il va de soi ! Les médias soulignent, d'autre part, que le président de la Chambre des députés, issu du Mouvement 5 étoiles, a déclaré : "La Libye n’est pas un endroit sûr […], nous ne pouvons pas laisser les migrants là-bas." Histoire, sans doute, de nuire à la coalition gouvernementale et de souligner l'inhumanité du dirigeant de la Ligue.

La question de l'immigration n'est pas simple. La traiter de façon manichéenne, en désignant les bons et les méchants, c'est se donner facilement bonne conscience. Au lieu de la saisir à bras le corps, on tergiverse, on donne des leçons aux autres en esquivant le problème et en se réfugiant derrière une apparente générosité. L'incapacité de l'Europe à y faire face, les considérations politiciennes, la désignation d'un bouc émissaire, la grande hypocrisie des bien-pensants sont à la fois une manifestation de lâcheté et d'irresponsabilité.

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01 août 2018 à 19:55

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