"Ce n'est pas une faille dans la rigueur. Au contraire. Non seulement il faut respecter cette décision, mais en plus elle donne un formidable message démocratique et judiciaire."

Philippe Bilger commente la relaxe de Jawad Bendaoud.

Jawad Bendaoud a finalement été relaxé des faits de « recel de malfaiteurs terroristes », a contrario de ses deux complices qui, eux, ont été condamnés à des peines de cinq ans d’emprisonnement. Comprenez-vous cette sentence de la Justice ?

Je n’ai pas pour habitude de dénoncer les décisions judiciaires. C’est d’autant plus vrai lorsque je ne connais pas l’affaire en détail et quand je n’ai pas assisté aux débats.
Nous sommes dans un État de droit. Le tribunal correctionnel a, évidemment, fait une analyse approfondie et juridique de ce qui lui était reproché. Il a aussi tenu compte de ses dénégations. Et, dans ce cas, j’aime que la France judiciaire, en l’occurrence Paris, soit capable de manifester une résistance à l’égard de la pression légitime de l’opinion publique.
Suite aux événements tragiques que nous avons vécus, l’opinion publique aurait vraisemblablement été prête à souhaiter le maximum de la peine.
Le prévenu a été, tout de même, une périphérie pas si minime que cela des tragédies terroristes que nous avons vécues. En faisant se télescoper ces tragédies, l’opinion publique aurait, bien sûr, été prête à accepter une dénaturation de la loi qui aurait projeté sur elle, en quelque sorte, l’horreur de ce qu’avait connu la France. Elle n’aurait, alors, pas mis l’État de droit au premier plan.
C’est ce que j’aime, dans la décision de relaxe du tribunal dont, par ailleurs, je ne connais pas les motivations. Mais elle me semble, de toute manière, intrinsèquement courageuse. Elle donne un bon signal. Elle montre qu’une démocratie doit, évidemment, se battre sans se renier lorsqu’on veut la tuer et l’étouffer. Mais cette même démocratie doit être capable, par honnêteté, d’avoir des décisions d’exonération lorsque la démocratie et la justice l’exigent. Cela n’est pas une faille dans la rigueur, c’est au contraire une manière de la justifier la plupart du temps.

Jawad Bendaoud a été le plus médiatisé du fait de son caractère, de ses sorties et, surtout, de cette interview incroyable sur BFM TV. Le public s’est moins intéressé à Mohamed Soumah et Youssef Aït Boulahcen, qui sont a priori les vrais coupables de cette affaire.

Oui, mais je vois que le tribunal correctionnel n’a pas pris la mesure de cette affaire sur ce plan-là.
J’ai suivi le cas du recel de malfaiteurs. Les discussions qui ont eu lieu rendaient parfois plausibles les dénégations qui pouvaient sembler, au premier abord, totalement délirantes ou aberrantes de ce gars. Nous n’y étions pas, mais le tribunal était confronté à lui. Il a tout entendu.
Je pense non seulement qu'il faut respecter cette décision par principe, mais aussi qu’elle est valable et qu’elle donne un fort message démocratique et judiciaire.

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14 février 2018 à 20:04

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