Référendum catalan : les médias déraillent, les politiques bottent en touche

Les réactions des médias au référendum d’autodétermination en Catalogne sont surprenantes. La plupart insistent sur les violences policières. Aucune interrogation sérieuse sur les causes de cette soif d’indépendance, la légalité de ce scrutin ni la fiabilité des résultats.

La tendance au séparatisme ne date pas d’aujourd’hui. Elle était déjà présente, en 1635, pendant la guerre franco-espagnole, jusqu’à ce que, au début du XVIIIe siècle, le roi Philippe V de Bourbon, petit-fils de Louis XIV, confortât son pouvoir en établissant dans son royaume un centralisme à la française. En 1932, sous la Seconde République, la Catalogne devient autonome ; une République catalane est même proclamée en 1934, puis disparaît en 1937, après la victoire du général Franco.

Il faut attendre l’avènement de Juan Carlos Ier, désigné par le Caudillo, pour que l’Espagne devienne, à la fin des années 1970, un pays semi-fédéral composé de dix-sept communautés autonomes, dont trois bénéficient d’un statut particulier : le Pays basque, la Galice et la Catalogne.

Les médias ont comme des scrupules à reconnaître que ce référendum est illégal. C’est pourtant le cas. Si la Constitution "reconnaît et garantit le droit à l'autonomie des nationalités et des régions qui la composent", elle précise aussi que "la Constitution est fondée sur l'unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols". En adoptant, le 6 septembre, une loi organisant un vote d’autodétermination, le Parlement régional violait donc son article 2.

Force est de constater, aussi, que les médias prennent pour argent comptant les résultats avancés par les autorités catalanes. Le « oui » l’aurait emporté à 90,09 %, ce qui n’a pas grande signification, compte tenu des conditions dans lesquelles s’est déroulé le vote. En outre, il y a plus de 50 % d’abstentions et les partisans du statu quo ne se sont guère déplacés. Et que dire de cette coalition hétéroclite des partisans de l’indépendance ? Que se fût-il passé si, d’aventure, la consultation avait été reconnue ?

On est confondu par tant de légèreté : il faudrait faire preuve d’un minimum de discernement et ne pas se livrer sans réflexion à des jugements précipités ou préconçus.

Pour leur excuse, on sait que les médias se soucient généralement plus du sensationnel que de l’exactitude. Mais les réactions des responsables politiques ne brillent pas, non plus, par leur originalité – comme s’ils esquivaient le risque de déplaire. Emmanuel Macron refuse de s'ingérer dans "les affaires domestiques" espagnoles : refus d’ingérence à géométrie variable ! Même son de cloche chez Bruno Le Maire.

À gauche, Mélenchon, oubliant son souverainisme, estime, dans son langage imagé, que "la nation ne peut être une camisole de force". À droite, Christian Jacob a une réponse de Normand : "Les premières images qu'on a vues ce matin sont plutôt inquiétantes" ; mais il se met aussi "à la place du gouvernement espagnol". Seul le LR Didier Geoffroy, qui veut sans doute se distinguer pour exister, est catégorique : l'Espagne a "tout faux en empêchant une partie de son peuple de s'exprimer librement".

Finalement, la plus raisonnable – une fois n’est pas coutume –, c’est Anne Hidalgo : "Je ne comprends pas, dit-elle, que la Catalogne veuille se détacher de l'Espagne. Bien sûr que l'identité, la culture, la langue catalanes doivent être respectées et il me semble qu'elles le sont."

Ce n’est pas, en effet, par des coups de force que doivent être réglées les relations entre le pouvoir central et la Catalogne, mais par des négociations. La France, qui a ses régionalistes, devrait s’en souvenir.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:07.
Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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