Edmond Maire, père du syndicalisme bourgeois ?

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Avec Edmond Maire (1931-2017) disparaît l’une des dernières figures syndicales des années 70-80, de ce syndicalisme qui fleurait bon le communisme stalinien, la lutte des classes, l’anti-bourgeoisie façon Alain Krivine, l’anti-patron à la mode de Georges Marchais. Mais Edmond Maire n’a jamais versé dans ces extrêmes, trop soucieux d’incarner la réforme, le mouvement, aux antipodes du conservatisme, fût-il le plus rouge !

Si son nom reste à jamais associé à ceux de Georges Séguy (1927-2016), d’André Bergeron (1922-2014) ou Henri Krasucki (1924-2003), sa démarche politico-syndicale en a retourné plus d’un. Car, en bonne incarnation des cathos de gauche, Edmond Maire a tenté de faire la synthèse entre les perspectives économiques et un certain réalisme social.

Sa prise de conscience syndicale se forge dès sa confrontation, à l’âge de 18 ans, avec le monde du travail, quand le bac en poche il devint aide-laborantin chez les peintures Valentine. Cinq ans plus tard, il cotise à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), qu’il quittera en 1964 pour cofonder la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Son détachement de la religion et l’entrée dans les ordres d’un de ses frères et d’une de ses sœurs l’ont rendu définitivement agnostique. Il fallait que la rupture s’effectue aussi sur le plan syndical. Pour l’homme qu’il était, déconfessionnalisation rimait avec réforme. Mais il conservait, malgré tout, les bonnes manières d’une petite bourgeoisie de province et une assez bonne appréciation du climat social de l’époque. Ses origines mais également son pragmatisme expliquent son choix de l’entre-deux : entre socialisme et catholicisme, entre capital et travail, entre autogestion et recentrage…

Cet autodidacte, amateur de bridge et de poker, prend les rênes de la CFDT en 1971, se rapproche du Parti socialiste de François Mitterrand quand la CGT de Georges Séguy se rapproche de Marchais. L’Union de la gauche voit les deux centrales syndicales se faire les yeux doux, jusqu’à l’échec de 1978. L’intervention russe en Afghanistan, cautionnée par la CGT et le PCF, puis les soubresauts polonais (Solidarność) puis l’élection de Mitterrand en 1981 finissent d’entériner la rupture de la CFDT avec la gauche de la gauche.

Edmond Maire en finit aussi avec les consignes de vote aux élections, laissant libres les adhérents de leur choix politique et ouvrant ainsi la boîte de Pandore dans les autres centrales syndicales. Surtout, il instille l’idée que faire systématiquement grève pour chaque revendication n’est pas forcément une bonne idée. Là encore, ses choix réformistes sont peu ou mal compris tant par la base que par ses alter ego. À coup sûr, Edmond Maire était un réformiste mais restait, dans son attitude, assez conformiste. Ce qui en ferait presque le père d’un syndicalisme bourgeois qui tairait son nom.

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