Recul de la recherche, retards de diagnostics, pénurie de personnel… dommages collatéraux du Covid

médecin

L'épidémie de Covid continue à avoir des répercussions diverses dans tous les domaines de la vie courante, et plus particulièrement sur notre système de santé .

Au niveau mondial, on note qu'a cause du Covid, la lutte contre le paludisme, la tuberculose et le SIDA a connu un recul très important. Au niveau national, la saturation des hôpitaux et, en début d'épidémie, la fermeture de nombreux cabinets de spécialistes ont entraîné des retards dans le diagnostic et la prise en charge de certaines maladies comme, par exemple, le cancer. Avec le recul de l'épidémie, on observe maintenant un retour à la situation antérieure, mais pour les malades ayant eu à subir ces retards de diagnostic ou de traitement, la perte de chance de survie ou de guérison est réelle.

Au niveau des soignants, l'épidémie de Covid a fortement aggravé les conséquences du manque chronique de personnel qui règne dans les hôpitaux, qu'ils soient privés ou publics. Avant la pandémie, les chefs de service et les cadres du personnel devaient jouer les acrobates pour maintenir en toutes circonstances un nombre suffisant de soignants par malade pour assurer la sécurité des soins, situation qui s’est fortement aggravée avec l’épidémie.

Ne pouvant compter sur une réserve de personnel au sein de l'établissement, les directeurs sont obligés de faire appel à des intérimaires, médecins, infirmières, aides-soignants et autres. Les agences d’intérim médical sont saturées et ne peuvent répondre à la demande. En temps normal, les établissements de santé n'embauchent que le strict minimum de personnel nécessaire à son fonctionnement et ont recourt aux intérimaires pour pallier l'absence des soignants pour maladie ou congés. En période de crise, cette demande est, bien sûr, très accentuée et certains services travaillent même parfois avec uniquement des intérimaires, ce qui ne nuit pas à la qualité des soins mais qui interfère fortement sur la prise en charge de l'organisation à long terme du service par les soignants.

La mesure prise par le ministre de la Santé pour mettre à pied les soignants qui ne seraient pas vaccinés a fortement aggravé cette situation, et les diverses agences d'intérim, qu'elles soient paramédicales ou médicales, ne peuvent faire face à cette nouvelle demande. Une partie non négligeable du personnel soignant ne désire pas, pour des raisons diverses (contestables ou non), se faire vacciner. Le passage en force que tente Olivier Veran auprès de ce personnel pour l'obliger à se vacciner est stupide et contre-productif.

Stupide, car même en voulant jouer les petits chefs, le ministre n'arrivera pas à persuader ceux qui, parmi le personnel, ne veulent pas se faire vacciner, sachant que même vacciné on peut être contagieux, et que ce sont surtout les non-vaccinés qui prennent le risque, pour eux-mêmes, d'attraper la maladie.

Contre-productif, car alors que les établissement de soins sont perpétuellement en manque d'effectifs, ce type de mesures ne va qu'accentuer la pénurie de soignants. Ajoutons à cela que le personnel intérimaire revient plus cher que le personnel classique. C'est pourtant une procédure habituelle à laquelle ont recourt la plupart des établissements sanitaires pour éviter, sans doute, d'embaucher du personnel avec des contrats à durée indéterminée et pouvoir disposer ainsi d'une variable d'ajustement que les directions peuvent manipuler à leur gré. Mais maintenant, ces variables ne sont plus ajustables et, lors d’urgences, il n'y a plus de marge de manœuvre possible. Cette crise aura révélé les limites d’un système fondé sur la productivité, qui veut introduire la notion de rentabilité à court terme dans un secteur qui, comme l’armée ou l’éducation, doit en être préservé.

Puisse cette crise permettre à nos dirigeants, en concertation avec le personnel du terrain, de revoir le fonctionnement de nos établissements hospitaliers et, au-delà, de tout notre système de protection sanitaire qui fait eau de toutes parts et que les rustines ne suffiront plus à sauver.

Hélas, une fois passé le moment critique, il est probable que tout redevienne comme avant…

 

 

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Dr. Jacques Michel Lacroix
Médecin - Médecin urgentiste et généraliste

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