[REACTION] « Le président syrien Al-Charra est toujours recherché pour terrorisme »

Ce mercredi 7 mai, Emmanuel Macron reçoit le nouveau président de la Syrie, Ahmed Al-Charaa. Une rencontre pour « redire le soutien de la France à la construction d’une nouvelle Syrie, une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne » que l’Élysée avait conditionnée quelques semaines plus tôt à la composante d’un gouvernement syrien « inclusif de toutes les composantes de la société civile » et apte à garantir la sécurité du pays. Faut-il en déduire que ces objectifs sont atteints ? Réponse avec Benjamin Blanchard, directeur général de SOS Chrétiens d’Orient, une association présente dans le pays depuis 2013.
Sabine de Villeroché. Emmanuel Macron a-t-il raison de dérouler le tapis rouge à Ahmed Al-Charaa ?
Benjamin Blanchard. C’est assez paradoxal. Pendant des années, la France a refusé de parler au gouvernement syrien – à l’époque, celui de Bachar el-Assad – au nom de la morale. L’ambassade en Syrie a même été fermée en 2012 ! Et aujourd’hui, on met la morale de côté au nom du pragmatisme et la France ouvre ses portes au nouveau président syrien… Il faut tout de même le souligner.
Après, il n’y a rien de plus logique que de recevoir Ahmed al-Charra. Après tout, cela fait des années que les États-Unis, l’Union européenne et notamment la France le soutiennent ! Quant à cette visite, cela fait des mois qu’elle est annoncée. Je pense même qu’Emmanuel Macron aurait préféré recevoir Al-Charaa plus tôt…
Rappelons quand même, également, qu’Ahmed Al-Charra est toujours recherché pour terrorisme. Son passé ne plaide pas en sa faveur. C’est un ancien soldat d’Al-Qaïda et de l’État islamique en Irak. Il a ensuite fondé le Front al-Nostra qui est devenu, après fusions et divisions avec d’autres groupes islamiques, Hayat Tharir al-Cham. Et si, officiellement, le président syrien « par intérim » semble vouloir donner des garanties afin que toutes les composantes de la société syrienne soient prises en compte dans le futur système politique syrien - je pense à la nomination d’une chrétienne, d’un Kurde, d’un Alaouite et d’un Druze dans son gouvernement -, en réalité, on est loin des exigences de sécurité et de démocratie chères aux Européens. Mettre un costume et se raser la barbe ne suffit pas ! Il faut regarder les actes. Et pour l’instant, les actes sont loin d’être exemplaires : islamisation progressive de la société, massacre des Alaouites en mars, attaques contre des Druzes en avril, nominations de certains de ses proches islamistes dans les fonctions clés de l’État, etc.
S. d. V. En plus de ces massacres d’Alaouites par le nouveau régime, des rumeurs laissent entendre qu’il y aurait d’autres victimes. La Syrie post-Bachar est-elle en guerre civile ?
B. B. Effectivement, début mars, des affrontements ont eu lieu sur la côte ouest de la Syrie, entre des Alaouites et des groupes djihadistes du régime syrien ou, au moins, proches du régime syrien. Près de 1.400 personnes, principalement alaouites, ont été massacrées. La semaine dernière, dans la nuit des 28 et 29, et 29 et 30 avril, ce sont des Druzes qui ont été la cible de nouvelles violences, toujours par des groupes djihadistes, dans deux villes de la banlieue de Damas. En riposte à ces attaques, le pouvoir israélien a alors frappé un quartier de la capitale, proche du palais présidentiel syrien, ainsi que la ville d’Idlib. En l’espace d’une semaine, cent victimes ont été dénombrées.
À chacun de ces événements, le gouvernement syrien est intervenu pour condamner ces attaques et annoncer des mesures pour les faire cesser. Des annonces, pour le moment, sans suite. Où en est-on, par exemple, de l’enquête indépendante sur les massacres de début mars ?
Après, pour répondre à votre question : la Syrie est-elle en guerre civile ? Elle l’est depuis déjà presque quinze ans… Et on peut craindre, notamment en constatant l’incurie de l’État syrien, que ce ne soit pas fini.
S. d. V. Qu’en est-il de la situation des chrétiens en Syrie ? SOS Chrétiens d’Orient est-elle toujours active sur le terrain à leurs côtés ?
B. B. Oui, nous sommes sur le terrain. Et plus que jamais ! La situation des chrétiens de Syrie est évidemment compliquée car incertaine sur le plan économique. Comme tous les Syriens, les chrétiens souffrent des sanctions internationales contre le pays. Aujourd’hui, 90 % des Syriens sont sous le seuil de pauvreté.
Incertaine, parce que si, pour le moment, on ne constate pas de persécution de masse, comme ont pu en connaître les Alaouites, si la liberté de culte est maintenue, on assiste à une vraie islamisation de la société ; ce qui est nouveau en Syrie. Dans de nombreuses villes, et jusque dans les quartiers chrétiens, on a vu apparaître des affiches expliquant aux femmes comment se vêtir selon les préceptes islamistes. On a vu des prêcheurs islamistes inciter à la conversion, passer sur des pick-up dans les quartiers chrétiens. Des groupes exercent des pressions pour interdire la mixité à l’université. Le ministère de l’Éducation a annoncé une islamisation des enseignements, avant de reculer, etc.
Dans un tel contexte, il est évident que nous ne pouvons pas abandonner les Syriens. SOS Chrétiens d’Orient, qui est implantée en Syrie depuis 2013, est donc toujours présente sur le terrain !
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60 commentaires
« Rappelons quand même, également, qu’Ahmed Al-Charra est toujours recherché pour terrorisme. »
Ah bon ?
Pourtant, l’individu était à Paris, même pas incognito, le 7 mai dernier.
Une chasse à l’homme bien mal conduite.
Au nom de la Realpolitik, Sarkozy a reçu Kadafi et Assad. L’idée était de faire une sorte de « Club des états méditerranéens » . Qui a échoué. Macron reprend la même politique, plus ou moins inspirée du Quai d’Orsay. A suivre….
La France et la Syrie sont devenues deux pays terroristes, à égalité. Donc pas étonnant que Macron soit le premier « Chef d’Etat » (?) à se jeter au cou du président syrien. Ils sont tous deux à mettre dans le même sac……celui dont on se sert pour noyer les petits chats.
Ce terroriste soutenu par la Turquie dont le président est un frériste assumé !!!
Les minorités chrétiennes sont donc en voie de disparition : que fera LEON XIV ?