Quand les déboulonneurs de statues nous parlent d’Histoire

léopold II

Les déboulonneurs de statues ont beaucoup à voir avec les inquisiteurs espagnols et les raciologues nazis.

Épuration et purification : telles sont les deux mamelles qui les nourrissent.

Désormais, nous savons tous qui était Colbert : l’auteur du Code noir. À l’école, on nous avait appris autre chose. Mais nos profs étaient les vecteurs, conscients ou inconscients, du « racisme systémique ».

Nous n’ignorons plus rien de Napoléon : c’est lui qui, à la demande de Joséphine de Beauharnais, a rétabli l’esclavage aux Antilles. On nous avait appris des calembredaines fumeuses sur Eylau, Austerlitz, les Pyramides, Waterloo. Et là encore, nos profs nous avaient bourré le crâne.

On croyait, toujours à cause des mêmes enseignants racistes, que Jules Ferry avait apporté à notre pays l’éducation laïque et obligatoire. Or, il était avant tout un chantre flamboyant du colonialisme. Et les plus instruits d’entre nous n’ignorent pas, non plus, que Washington avait des esclaves en Virginie.

Mais Faidherbe ? Qui c’est, celui-là ? Renseignement pris sur Wikipédia, on découvre que c’était un général français qui fit ce qu’il put contre les Prussiens en 1871. On avait vécu pas trop mal sans le savoir.

Il y a deux jours, des militants antiracistes, anticolonialistes et anti-négrophobie ont tenté de déboulonner sa statue à Lille. Pourquoi ? Ces érudits, ces passionnés d’archives ont découvert que Faidherbe avait été gouverneur du Sénégal, alors colonie française.

Eh oui, ils sont comme ça, ces explorateurs des temps modernes ! Ils cherchent, ils fouillent, ils trouvent. On ne compte pas les nuits sans sommeil qu’ils ont passé à analyser des documents et à annoter de vieux textes.

Ainsi faisaient les moines des grands tribunaux de l’Inquisition espagnole. Au nom de la limpieza de sangre (« pureté du sang »), ils épluchaient la généalogie des suspects. Il s’agissait de savoir si untel ou unetelle avait, dans ses veines, du sang musulman ou juif. Il fallait purifier l’Espagne de ses occupants arabes et des assassins du Christ.

Les nazis apportèrent une touche scientifique à ce bel exercice. Les lois de Nuremberg codifièrent la question juive. À partir d’un certain nombre de parents ou de grands-parents juifs, on était décrété juif. Ça, c’était du sérieux.

Les infatigables déboulonneurs de statues font preuve de la même rigueur. Ils vont certainement s’intéresser aux descendants de Colbert, de Napoléon, de Ferry. Et de Faidherbe, qu’ils ont sorti de l’oubli où il dormait confortablement.

Et peut-être vont-ils s’occuper aussi de vos ascendants. Et alors Dieu sait ce qu’ils vont mettre au jour. Moi, je suis tranquille : mes ancêtres se contentaient de vendre en Pologne des harengs et des cornichons aigres-doux.

Benoît Rayski
Benoît Rayski
Journaliste et essayiste

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