Renouer avec l’amour de la langue française pour retrouver l’unité du pays !

langue française

Lisant le dernier article de Gabrielle Cluzel, lucide et courageux, comme toujours, je pensais au livre de Mona Ozouf écrit en 2013 : Jules Ferry. La liberté et la tradition . L’auteur y écrivait : « Dans son tableau des gauches françaises, Jacques Julliard fait, de Jules Ferry, un colonialiste au plein sens du terme. Colonisateur, assurément mais colonialiste, non, si l’épithète comporte la touche d’infamie qui la colore de nos jours. »

Ce qui importait à Jules Ferry - l’homme le plus haï de la politique française, rappelons-le - dont tant de lycées, jusque-là encore, portent le nom, c’est que les Français soient réintégrés dans l’entièreté de leur histoire. Ce que voulait Jules Ferry, c’est, un peu comme la Pucelle qui fut « sa payse », redonner l’unité à la France à travers l’enseignement. Au lieu de cela, disait Jules Ferry, on enseigne aux petits Français « à détester leur passé pour n’y voir rien que des tristesses, rien que des misères, rien que des hontes ». Mona Ozouf se trompera, plus tard, en ironisant sur ceux qui projetaient, croyait-elle, leur vision de l’école sur celle de Jules Ferry. Projette-t-on jamais une époque sur une autre ? Et peut-on dire que l’église et la mairie n’existent plus ? Assurément pas ! Il faut plutôt retrouver le fil conducteur de l’enseignement, l’entretenir comme le bien le plus précieux : l’amour de notre langue et de notre pays. Avec son histoire : toute, et sans la renier ni s’abaisser.

J’étais programmée pour aimer et enseigner le français, le latin et le grec. Assurément. Mais j’ai eu des amies venues de l’ex-Yougoslavie et de Pologne qui ont fait les mêmes études que moi et passé les mêmes concours. Croit-on que l’Europe centrale, c’était la Provence ? Une chose, en revanche, nous unissait : l’amour inconditionnel de notre langue.

La diversité ne date pas d’hier. Quand j’ai vu se désagréger l’enseignement du français et les savoirs se déconstruire, souvent, les professeurs excusaient un élève au motif qu’on parlait espagnol ou arabe à la maison. Je disais : « Quelle chance ! Il sera bilingue. » On me désapprouvait. Chez mon amie Tania, on parlait serbe mais sa mère avait à cœur de bien parler notre langue : elle avait quitté son pays pour la France parce que la France était, pour elle, la patrie de la liberté.

Les choses ont changé ? Le défi qu’a le ministre Blanquer est-il plus difficile à relever que celui, considérable, de Jules Ferry ? On peut en douter. Un seul point est, en tout cas, à assurer : l’étude de notre langue et de nos grands auteurs. Tout se joue et s’apprend avec rigueur dans les classes primaires : vocabulaire et conjugaison. Diluer l’étude de la langue dans des articles de journaux, c’est comme diluer la religion dans l’abstraction du vivre ensemble.

Dans Les Mots des femmes (1995), Mona Ozouf croyait à un féminisme à la française différent du féminisme à l’américaine. Elle n’avait pas imaginé la force performative de ce féminisme anglo-saxon dont nous cueillons les fruits. Comme quoi une éminente historienne peut se tromper.

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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