Quand le désespoir des militantes RN d’Hénin-Beaumont suscite dédain et ricanements

La petite vidéo, prise au QG de campagne de Marine Le Pen, à Hénin-Beaumont (où celle-ci fait 67,15 %), a été mise sur Twitter par un journaliste de La Voix du Nord. On y voit la réaction de militants - et surtout des militantes - quand les résultats de la présidentielle sont dévoilés. Ceux qui retenaient leur souffle laissent éclater leur stupéfaction et leur colère. Les insultes fusent, les larmes coulent. « Saloperie », « fils de p… », « cinq ans de chaos, cinq ans de m… », « Président des riches », « les gens n’ont rien compris », « ça me dégoûte », « c'est pas possible, c’est truqué ».

Sitôt postée, la vidéo a fait l’objet de moults commentaires méprisants et ricanants : ainsi, un certain Pierre-Henry, qui se dit sur son profil « européen », soutien d’Emmanuel Macron, et affiche ses trois doses de vaccin comme d’autres leurs palmes académiques ou leurs citations militaires, ironise, indigné : « On voit bien sur cette vidéo le QI d’huiles de ces beaufs, casses, lobotomisés qui ont voté Marine Le Pen… nous devons les combattre de toutes nos forces. » Un autre, Fouad Raoui, « juriste de formation », qui se déclare aussi « Pro Macron », moque les « futurs prix Nobel dans la salle cela va sans dire ». Quant à Perrine, macroniste revendiquée elle aussi, qui se définit comme « une Lilloise qui a quitté Paris » - et connaît une petite notoriété sur Twitter grâce à ses saillies doucement moqueuses et poétiques -, elle retweete la vidéo avec cette petite phrase : « Je suis désolée mais je pleure de rire… » Sans parler des multiples commentaires désobligeants sur leur façon de se vêtir : « Il y avait une veste en jean’s en promo chez Gemo et personne ne m’a rien dit ? », ricane ainsi « Pedro le Parigot », « Parisien du XV^e », arborant lui aussi deux seringues en guise de Légion d'honneur à côté de sa photo.

Je suis désolée mais je pleure de rire... https://t.co/q4YnlI8oKI

— Perrine (@PerrineST) April 24, 2022

Dans l’article qu’il a écrit pour La Voix du Nord, tard dans la soirée, après avoir posté ce tweet, le journaliste évoque deux de ces femmes, devenues par leur désespoir, leur fureur et leur façon de se vêtir, la risée de Twitter.

La plus âgée, Marie, est une commerçante habitant Bully-les-Mines : « On vit vraiment dans un pays de riches et de vieux qui ne pensent pas à leurs enfants. » Sa fille, Anaïs, 23 ans, renchérit : « Mon père est chauffeur routier, il a 55 ans et il est fatigué. Il vient d’en reprendre pour dix ans alors qu’avec Marine, il aurait eu la retraite à 60 ans. » Ils sont grands déclassés, grands remplacés - et les deux participent de la même logique mondialiste : qu’ils délocalisent pour profiter, ailleurs, d’une main-d’œuvre bon marché, ou qu’ils favorisaient l’immigration pour profiter, ici, de la même main-d’œuvre bon marché, les grands groupes sont gagnants - et maintenant grand méprisés par ceux qui autrefois, pourtant, quand il votait à gauche, voyaient dans l’ouvrier prolo une figure quasi christique.

L’historien Éric Anceau, évoquant la vidéo et le dédain qu’elle suscite, met en garde : « Les deux France ! Cette vidéo d’Hénin-Beaumont hier soir et les réactions de mépris et de haine qu'elle amène en retour disent tout. J’ai en tête non pas les années 30 mais d’autres heures sombres de notre Histoire : juin 1848 et mai 1871. »

Dans Germinal, Madame Hennebeau, grande bourgeoise languide qui a épousé le directeur de la mine de Montsou, fait ce commentaire aussi candide que méprisant, lors de l’émeute de Montsou, considérant les ouvriers : « Quels visages atroces. » Mais il est vrai que notre monde ne croit plus aux leçons de l’Histoire, qu’il n’a d’ailleurs jamais apprises.

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