Protection de la vie privée mais pas du secret de la confession ?
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L'actualité de ces derniers jours a vu naître une polémique autour du secret de la confession. La vox populi et la doxa exigent que les prêtres en soient déliés en cas d’abus sexuel commis sur un mineur, en dehors de l’hypothèse de l’article 223-6 du Code pénal qui punit le fait de s’abstenir volontairement d’empêcher, « par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne ». Tout criminel doit être dénoncé ! Rien ne peut les protéger, et surtout pas une loi d’Église, une loi canonique !
Un autre fait, un peu moins récent, qui avait attiré mon attention m’est revenu à la mémoire. Il s’agit de la tentative du ministère de l'Intérieur français d’accéder au contenu des messageries cryptées des citoyens dans sa lutte contre les activités terroristes. Cette tentative a échoué. On a, en effet, considéré que la protection de la vie privée devait passer avant la lutte contre le terrorisme. La « doxa » s’est tue et la vox populi également. Personne ne s’est scandalisé. Les médias ont salué la victoire du droit et de « nos valeurs » ; ces valeurs avec lesquelles nous prétendons pouvoir combattre le terrorisme…
Le terrorisme qui frappe aveuglément nos concitoyens, tous innocents, est une horreur. Les abus sexuels sur mineurs aussi. Il ne peut être question de faire une hiérarchie entre leurs victimes, aucun n’est pire que l’autre ? Mais la question que pose ce parallèle est de savoir si la protection de la vie privée passe avant celle du droit de se confesser. Pour quelle raison la protection des correspondances privées de certaines personnes devrait-elle être plus forte que celle des échanges oraux, prononcés à voix basse dans un confessionnal ? Pourquoi accepte-t-on de se priver de certains moyens dans la lutte contre le terrorisme et pas dans celle contre les prédateurs sexuels ?
Y aurait-il deux poids, deux mesures ? Serait-ce parce que, dans un cas, il s’agit de l’exercice d’un droit religieux ? Serait-ce parce que, dans ce même cas, les coupables sont des prêtres ? Serait-ce parce que le patron des évêques de France a eu le malheur de déclarer maladroitement que le droit de la confession devait rester au-dessus de celui de l’État ?
Tout cela relève de l’écume de l’hommerie. La réponse est plus essentielle. Elle nous renvoie aux concepts, aux idées, aux principes dont nous savons si bien nous gargariser.
Quelle est notre conception du secret ? Est-elle à géométrie variable ? En quoi la protection de la vie privée ne devrait-elle pas recouvrer celle de la conscience, de sa vie et de ses droits ? Que faisons-nous de l’égalité si souvent proclamée ?
Mon parallèle, qui n’est ni hasardeux ni construit de toute pièce, mais bien réel et choquant, met en exergue combien les concepts que nous manions, les principes que nous invoquons, les droits que nous proclamons manquent de justification philosophique et morale, combien ils sont mal ajustés dans leur conception et leur formulation. Nous invoquons tout et son contraire, sans savoir pourquoi, et surtout sans réfléchir aux impacts de nos décisions, de nos proclamations, de nos arbitrages et de nos oukases.
Antigone doit se retourner dans sa tombe. Jean Anouilh doit se demander si on lit et si on comprend encore la tragédie qu’il a si admirablement remise au goût du jour. Et je pensais qu’il serait bénéfique pour sa culture que chacun de nous adresse au ministre de l’Intérieur, M. Darmanin, une copie du texte de cette admirable pièce de Jean Anouilh avec une petite dédicace l’invitant à relire ses classiques avant de faire des déclarations sentencieuses au sujet de la supériorité du droit républicain !
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