Les États généraux de l’alimentation ne se termineront qu’à la fin du mois de novembre. D’ores et déjà, quelques dossiers chauds ont été traités, en premier lieu celui des prix en agriculture. C’est, d’ailleurs, le thème du cinquième atelier sur lequel chacun était invité à réfléchir : "Rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs." Car travailler, pour certains, jusqu’à 70 heures par semaine et ne recueillir, pour un tiers des exploitants agricoles, que 350 euros de revenus par mois est devenu intenable.

Depuis des années, la grande distribution, au nom du consommateur roi, fixe le prix final auquel vendre son beurre (aujourd’hui en rupture de stock), ses yaourts, ses pommes de terre, son kilo de farine ou de jambon ou encore sa cagette de fraises, son kilo de filet de porc ou son kilo d’abricots. En remontant la chaîne jusqu’à la production, l’agriculteur se retrouve à travailler pour rien, à vendre à perte et à mettre la clé sous la porte, quand la Grande Faucheuse ne l’a pas rattrapé avant.

Les centrales syndicales - FNSEA, Coordination rurale et Confédération paysanne - ont bien tenté d’inverser le problème sans jamais y parvenir. Toutes ont peu ou prou essayé de contraindre la grande distribution à revenir sur sa politique de marges arrières, de moraliser les prix. Le congrès de la FNSEA, en 1997, était même consacré à la "valeur ajoutée". Déjà, on avait conscience, il y a vingt ans, qu’elle pouvait être captée tout le long de la filière agroalimentaire et qu’elle échappait totalement à la production. Des conventions avec la grande distribution ont même été signées. Mais elles sont toutes restées lettre morte.

Maintenant, une idée apparemment toute simple et de bon sens « paysan » a été émise par le chef de l’État : "Nous modifierons la loi pour inverser la formation du prix qui partira du coût de production", a-t-il déclaré. En soi, l’idée paraît bonne. On part de la base pour aller au sommet. Ce sont les agriculteurs qui vont donner le la, fixer le prix de base, et non plus les grands distributeurs qui ne font que répondre aux demandes du consommateur roi. Soit, mais pourquoi ne pas partir du coût de revient, c’est-à-dire du coût de production auquel s’ajoute la marge de l’agriculteur ? Car c’est bien cette marge qui devrait permettre aux exploitants agricoles de vivre, de réinvestir dans du matériel, d’innover, d’être compétitifs, etc. Cette marge, les commerçants, les restaurateurs, les industriels l’appliquent bien. Pourquoi les « paysans » devraient-ils en être privés ? Ah oui : parce que le gouvernement craint une flambée des prix, un retour de l’inflation, que nos produits ne soient compétitifs parce que trop chers… Il faut donc contenir cette hausse à la source.

Bref, encore un coup d'épée dans l’eau, et un beau jeu de dupes ! Il est fort à parier que, dans vingt ans, le problème des prix, des crises agricoles, des suicides et du célibat (autant de tabous) aura perduré. À moins, bien sûr, qu’il ne reste plus d’agriculteurs en France. À ce rythme…

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13 octobre 2017 à 22:17

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