On le surnommait « le porc »…
Le lynchage a battu son plein et la justice a pris la relève dans divers pays.
Harvey Weinstein est un grand producteur, mais à l’évidence un triste personnage et une personnalité qui s'est servie de son pouvoir pour abuser des victimes, actrices débutantes ou confirmées, jeunes femmes évidemment en situation de dépendance.
Harcèlements, agressions, quatre viols présumés. Tout, dorénavant, y passe, tout est libéré. Il est à terre, il n’est presque plus rien. Son épouse l’a quitté. Depuis la dénonciation du New York Times, chaque jour son lot de révélations, d’indignations, de dégoûts.
Des plus illustres aux plus discrètes, elles se manifestent, révèlent, se révoltent, accablent, mettent en garde. Angelina Jolie, Judith Godrèche et Emma de Caunes, par exemple. Et tant d’autres blessées, souillées, offensées, aujourd’hui honteuses et justicières.
Ce n’est pas parce que Harvey Weinstein est ainsi justement vilipendé que je vais avoir l’impudence de le défendre pour ce qu’il aurait, paraît-il, accompli à l’insu de tous, en tout cas du monde artistico-politique dans lequel il était immergé et qui le connaissait en détail. Aux États-Unis comme à Paris, à Cannes ou en Angleterre.
Il avait ses pratiques, on les connaissait. Comme toujours, on savait mais on feignait de ne rien savoir. On le surnommait « le porc », mais il aurait été indécent de prendre son courage à deux mains pour le dénoncer. Pour rompre cette omerta des univers qui préfèrent murmurer entre eux contre l’immonde, partager l’ignoble dans leur cercle plutôt que de se lever, de s’élever et d’exprimer publiquement la vérité, aussi sale qu’elle soit.
Me gêne alors la stupéfaction surjouée, l’étonnement subit. Le couple Obama s’affirme dégoûté et Hillary Clinton choquée. C’est sans doute vrai, de même que la furie collective qui, maintenant, s’en prend à cette virilité dévoyée, à ce potentat du sexe sous diverses facettes. On ne m’empêchera pas de douter que personne n’ait su ce qui se déroulait dans les coulisses, que de rumeurs en certitudes négligées, personne n’ait eu l’oreille attirée, que personne, avant l’article du New York Times, n’ait eu l’occasion de mettre au jour ce que l’obscurité et l’intimité avaient prétendument dissimulé.
Ce n’est pas pour rien que Jane Fonda a avoué être honteuse parce qu’elle n’avait rien dit.
Il y a des histoires françaises qui me reviennent en mémoire et qui ne sont pas éloignées de ce déversement sincère mais si tardif sur Harvey Weinstein.
J’éprouve la plus vive compassion pour les victimes nombreuses de ce producteur, de ce prédateur, quoi qu’elles aient subi, et je n’aurais pas l’impudence de leur reprocher de s’être tues parce qu’elles avaient peur, mais les puissants qui n’ignoraient rien, le procureur Cyrus Vance, Jr. – le même qui s’est illustré plus tard avec l’affaire de DSK – qui n’a donné aucune suite pénale à une plainte portée par une intrépide contre Weinstein, comment leur pardonner d’avoir failli ? Il y en a plus qu'assez de ces complicités diffuses, implicites, évidentes qui se flattent d'une solidarité de classe, de fortune et de pouvoir quand la morale la plus élémentaire aurait eu besoin d'être respectée. Et la vérité proférée et dénoncée.
Je ressens aujourd’hui ce paroxysme multiplié et cette surabondance défoulée contre lui à la fois comme éminemment légitimes mais aussi telle une manière, pour beaucoup, de faire oublier leur indifférence, leur silence, leur abstention. Ou, plus tristement, leur tolérance amusée. Dans la périphérie éclatante, toute de lumières et de connivences, les ombres et les turpitudes d’Harvey Weinstein étaient connues, mais gardées au secret pour et par les initiés. On a les privilèges misérables qu’on peut.
La condamnation soit, les condamnations heureusement.
Mais qu’on n’occulte pas l’immense responsabilité d’un monde au sein duquel il avait toute latitude pour parader, puisque le « porc dans son auge » était préservé de toute révélation.
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