Prendre soin des hôpitaux et se contenter de produits « essentiels »

rayon lingerie

Je suis un grand naïf, mais je me soigne ! Ainsi, je pensais que les léproseries, les lazarets, les maladreries, les asiles, les hôtels-Dieu, les hôpitaux, ces établissements dont les plus anciens remontent au Code de Justinien du VIe siècle ap. J.-C., avaient vocation à s’occuper de la bonne santé des malades en les accueillant, en les soignant et, autant que possible, en les guérissant. C’est du moins ainsi, me semble-t-il, qu’a fonctionné le système de santé jusqu’à cette fichue pandémie.

Aujourd’hui, on nous dit l’inverse : ce sont les gens, tous les gens, vous, moi, qui sont appelés à s’occuper de la bonne santé des hôpitaux ; nous sommes priés, amende à la clé, de nous emprisonner afin de ne pas tomber malades et, ainsi, éviter de faire mourir l’hôpital par engorgement. J’ai probablement raté une marche, mais nos gouvernants nous l’assurent : la cause réelle de l’enfermement de soixante millions de Français est bien d’éviter la congestion de l’institution de soins. Orwell déjà, en son temps, avait raconté l’inversion du sens des mots : « liberté » veut dire « asservissement », « bien » signifie « mal », etc., et, en 1984, le novlangue s’emparait d’Océania.

Aujourd’hui, chez nous, c’est la « novaction » qui règne : on ne se contente plus de signifier le contraire de ce que l’on dit, on agit à l’inverse de ce qui devrait être logiquement fait.

Dans cette période d’enfermement qui, si récidive, peut vous envoyer en prison, l’État, dans sa grande bonté, accepte que les séquestrés que nous sommes sortent de chez eux, muselière à poste, pour faire leurs courses : « Il faut bien vivre, ma bonne dame ! » Oui, mais pas pour acheter n’importe quoi : « que des produits de première nécessité ! » martèlent, sur un ton martial, les princes qui, à tout bien réfléchir, ne nous gouvernent pas si bien que cela.

C’est donc l’État – c’est qui, précisément, l’État ? – qui va me dire ce qui m’est essentiel, ce dont je ne peux pas me passer, ce qui justifie que je mette en danger de mort le passant que je croise dans la rue qui, lui-même et par inversion, risque de m’infecter ! Vous suivez ? Qu’est-ce qu’il sait de mes besoin, l’État ? Ce gros corps obèse et boursouflé ne me connaît pas, il ne m’a jamais vu, il ne sait pas ce que j’aime, il n’a aucune idée de ce dont je ne peux pas me passer, il n’est jamais venu chez moi, sauf déguisé en huissier si j’ai omis de verser mon écot au Trésor, il n’a jamais cherché à connaître l’individu de chair et de sang derrière le citoyen, le contribuable, l’électeur, le corvéable, l’assujetti, l’administré, le bouffeur de CERFA.

Alors, Messieurs du gouvernement, ne vous mettez pas en tête de me dire ce que je dois acheter et ne pas acheter, ce qui m’est essentiel et ce qui ne l’est pas : c’est mon affaire, vous n’êtes pas qualifiés pour en juger et cela ne vous regarde pas. À vous d’agir en conséquence. À ce propos, un internaute irrévérencieux, de ceux que l’on aime, s’est interrogé sur la Toile : « Jean Castex est-il un produit de première nécessité ? » Bonne question, l’ami.

Yannik Chauvin
Yannik Chauvin
Docteur en droit, écrivain, compositeur

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois