Bernard-Henri Lévy n’est pas content, et le fait savoir. Dans une tribune récente, il dénonce "la curée" dont fait l’objet Emmanuel Macron, en proie, selon lui, à des "piranhas". Rien que ça.

Pourtant, BHL (on le connaît) n’aime rien tant que s’enflammer et dénoncer. Mais quand il l’a décidé. Bernard-Henri a dit « Indignez-vous » et tout le monde est prié de s’exécuter. Sauf que, là, il ne vous a rien demandé, non, mais suivez, un peu, de quel droit vous êtes-vous levés ? On vous aime bien en carpe - muette - ou en poisson rouge, occupé à tourner gentiment dans son bocal avec la mémoire que l’on sait. Mais si les petites fritures que vous êtes se mettent en tête d’attaquer les gros poissons nageant en eau trouble, il leur en cuira.

D’après lui, pas de quoi fouetter un chat. Sûrement "pas une affaire d’État" ! "C’est entendu, Emmanuel Macron a commis, en accordant une trop longue confiance à un jeune homme inexpérimenté, frimeur, cogneur et se rêvant indifféremment flic ou voyou (sic : on remarquera, au passage, une très belle illustration de ce que Jean-Claude Michéa appelle, dans L’Enseignement de l’ignorance, "le complexe de Lacenaire" : la fascination exercée sur les intellectuels bourgeois par la figure du mauvais garçon), plusieurs erreurs de jugement."

Un peu comme ma grand-mère quand son impérieuse auxiliaire de vie était devenue si indispensable qu’elle lui avait confié le code de sa carte bleue. Allons, en veut-on à sa pauvre mamie « trop confiante » pour ses « erreurs de jugement » ? Non, bien sûr. Sauf qu’évidemment, Emmanuel Macron n’est pas nonagénaire ni grabataire, et que ma grand-mère n’avait pas, entre autres petits secrets, les codes nucléaires.

Plus que de sénilité, la réaction d’Emmanuel Macron est surtout frappée d’immaturité. On croirait lire La Mort du dauphin, d’Alphonse Daudet. Il attend tout d’abord, espérant bien qu’il y aura un valet - un ministre ou un préfet - pour trépasser à sa place, et puis quand il comprend que tout prince qu’il est, il ne pourra pas y couper, c’est entouré des siens qu’il se résigne. Mais les Français, alors que sonne le Benallali, ne seront-ils pas tentés d’aller chercher jusque derrière ses murs bien gardés le boulanger, la boulangère et le petit Macron pour lui demander des explications ? C’est BHL lui-même, dans sa tribune, qui parle de "sans-culottes". Ceux-ci n’éructent plus derrière les grilles, comme autrefois, mais sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron a-t-il noté « rien » dans son journal, le 1er mai ?

BHL accuse Marine Le Pen, "l’amazone vichyssoise", et Jean-Luc Mélenchon, "le guerrier maduresque". Mais sauraient-ils, à eux deux, être responsables de la "déflagration sur les réseaux sociaux digne de la victoire à la Coupe du monde", telle que décrite par un journaliste de RMC : "Sur Google, les recherches concernant Alexandre Benalla sont supérieures de 20 % à celles faites sur Didier Deschamps le soir de la finale. Sur Facebook, les articles autour de l’affaire ont été relayés des dizaines de milliers de fois. Sur Wikipédia, la page "Affaire Benalla" était, ce week-end, la page la plus consultée de l’encyclopédie en français. Sur Twitter, le garde du corps bagarreur a fait l’objet de plus de 1,5 million de tweets, un volume gigantesque ; c’est plus que pour #BalanceTonPorc ou #JeSuisCharlie. »

Ces indicateurs devraient être pris au sérieux. Entre les élites et le peuple, la séparation s’est muée en incompréhension et, aujourd’hui, en détestation réciproque et ouverte. Se contenter, retranché dans son palais, d’une pirouette bravache pour esquiver la confrontation serait dangereux. Il ne faudrait pas prendre les piranhas pour des poulpes bêtas.

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25 juillet 2018 à 16:51

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