Portable à l’école : et si l’on commençait par soigner les parents ?
C’est, à en croire les médias, la mesure phare de cette rentrée : l’interdiction du portable dans les enceintes scolaires, à l’école, au collège et au lycée. Cela pendant les cours – à moins que l’enseignant n’en fasse la demande – et pendant les récréations. Une fois la porte franchie, débrouillez-vous avec votre addiction.
Question : en quoi cela est-il une nouveauté, car il semblerait que la grande majorité des établissements aient pris les devants via leur règlement intérieur. De là à imaginer que celui-ci est respecté, il y a certes un grand pas que je crains infranchissable pour mes petites jambes. A priori, donc, la seule mesure restrictive est l’interdiction du portable dans les cours de récréation. Le ministre Blanquer veut que les petits enfants jouent au chat plutôt qu’à Snapchat et qu’ils découvrent les joies du foot plutôt que les stars du porno.
À ce stade, d’autres questions surgissent :
– Les enfants sont-ils responsables de leur (éventuelle) addiction ?
– Ne faut-il pas commencer par soigner les parents ?
– Jusqu’à quel point nos sociétés qui appuient en permanence sur la pédale anxiogène et sa voisine la pédale consumériste sont-elles responsables de ces comportements addictifs ?
Bref, n’est-il pas déjà trop tard ?
La loi qui entre en vigueur ce jour de rentrée a été votée par le Parlement le 30 juillet dernier. Les députés y ont souscrit en masse. Après tout, l’ancienne instruction publique ayant depuis 86 ans (merci Edouard Herriot) l’ambition d’apporter à chacun "l’éducation" nationale, il serait bien normal qu’elle se chargeât de régler pour eux ce problème d’addiction aux écrans. Question subsidiaire : les députés ont-ils réellement le soutien des parents ?
Pas si sûr. La fracture, là encore, est générationnelle. Les vieux barbons dans mon genre, jeunes ados en 68, ricanent. Ainsi voilà les petits-enfants des "libertaires", ceux qui rêvaient d’interdire d’interdire, qui, eux, ne rêvent que d’une chose : attacher leurs gosses par un fil à la patte. Le GPS dans la poche, le traceur dans le cartable, la puce dans l’ourlet du manteau ou la couture du pantalon. Ce n’est plus « Maman, j’ai peur ! » mais maman a peur.
« L’époque est dangereuse ! Je veux savoir à chaque instant où est mon enfant ! » crient les parents, tétanisés par la peur des pédophiles et des racailles. Objectivement, depuis que l’État s’est transformé en big Mother qui croit devoir nous dire quand et ce qu’il faut boire et manger, ouvrir son parapluie, mettre son cache-nez, pisser dans le bocal, surveiller son cholestérol, compter ses pas et son rythme cardiaque, la déresponsabilisation est à la mesure du trouillomètre.
Et tout cela, bien sûr, fait l’affaire des marchands de boîtes magiques… Il n’aura en effet échappé à personne que la plupart des parents de tous ces enfants d’âge scolaire sont eux-mêmes totalement accros au portable. C’est intéressant d’observer les familles en vacances, au restaurant par exemple, ou sur le bateau qui fait le tour de la rade comme ce dimanche : cinq personnes, et pas une qui lève le nez de son écran : la mère filmant le paysage sur son smartphone, les deux filles chacune sur le leur, le père et le fils plongés dans un jeu vidéo. Il n’y a de réalité QUE virtuelle ! Leurs vacances n’existeront que transfigurées sur les réseaux sociaux. La mer dans le dos pour un selfie.
Parfois, souvent même, je me demande comment nous avons pu survivre jusqu’à ce jour ! Comment avons-nous pu faire du patin à roulettes sans genouillères, du vélo sans casque, aller et revenir seul de l’école, acheter le pain à deux rues de la maison, faire des glissades en hiver, traverser l’été sans écran total et messages alarmistes sur la canicule, manger des fruits et des légumes sans les compter, boire un coup pour le plaisir… cela même, je le confesse, en étant enceinte… Ouhhhh, la vilaine !
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