[Point de vue] Silence de plomb quand l’extrême gauche s’attaque à une librairie
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Alexis Forget est le gérant de la librairie Les Deux Cités, à Nancy. Boulevard Voltaire a rendu compte, à plusieurs reprises, des attaques dont a été victime cette librairie de la part d'antifas et de l'extrême gauche, notamment en février, à l'occasion d'une séance de dédicace pour la sortie du livre de Stella Kamnag, et en mai, lors d'une manifestation d'extrême gauche « contre le fascisme ». Aujourd'hui, Alexis Forget réagit en prenant la plume.
Un commerce, c’est-à-dire un établissement doté de la personnalité morale (ici une librairie), peut-il être « fasciste » ? C’est la question que je me pose à chaque fois – plusieurs fois par semaine – que j’entends des propos prononcés derrière la vitrine, tels que « il ne faut pas rentrer, ce sont des fascistes », « c’est la librairie fasciste de Nancy », « n’y allons pas, ils vendent des ouvrages nazis », etc.
Cette image – avec l’odeur nauséabonde qui l’accompagne, naturellement – est volontiers colportée depuis l’ouverture, en octobre 2020, par des élus de la majorité nancéienne PS-EELV-PCF, plus aptes à s’ériger comme les hérauts d’une république en danger face à une menace imaginaire que de promouvoir les atouts d’une ville dont le centre-ville se désertifie à la suite de choix urbains douteux, c’est-à-dire idéologiques, ainsi que par des subventionnés professionnels (syndicalistes ou associations). Cette image a un coût.
Le coût de recettes qui, du fait de la médisance, ne rentrent pas. Les principaux responsables, qu’ils soient politiques professionnels, syndicalistes ou membres d’associations, ne s’en émeuvent pas, bien au contraire, et comment le pourraient-ils, d’ailleurs ? À moindre frais, plus personne n’ignore que la bête immonde n’a pas droit de cité sous leur veille attentive. Les héros. Les vaillants héros. Quant à se mettre à la place de petits commerçants indépendants, n’en demandons pas tant : ces gens n’ont jamais travaillé à la sueur de leur front. Que pourraient-ils bien savoir de la réalité d’entrepreneurs qui, après avoir investi toutes leurs économies dans leur projet, ne comptent pas leurs heures pour le faire vivre ? Rien. Rien. Le vide. Le silence… Ce même silence dont les élus font preuve depuis dix-huit mois lorsque des demandes de rendez-vous leur sont adressées par téléphone, courriels ou recommandés, tandis que la vitrine est dégradée ou que le personnel est agressé. Surtout, surtout n’avoir aucune relation avec ce qui pourrait-être perçu comme étant d’extrême droite. Après tout, ce mal est aussi insidieux que perfide : côtoyer son porteur, c’est prendre le risque d’être à son tour marqué du sceau de Caïn.
Craindre que la littérature puisse brûler les mains de son lecteur, c’est non seulement instrumentaliser le savoir qu’elle contient, mais c'est, par extension encourager à la crainte du livre dans une société qui s’en détourne déjà bien trop au profit des écrans, quand, plus grand encore, cette crainte est le symptôme d’une absence totale de confiance en son propre libre-arbitre, dont on se défie désormais.
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