[Point de vue] Envoyer l’armée dans les cités : la fausse-bonne idée ?

Capture d'écran
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Une fois de plus, quand on ne sait plus comment se dépatouiller des « zones de non-droit », on en appelle à l’armée. Un réflexe pavlovien auquel Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice Christian Estrosi, le Frégoli politique qu’on sait, ne résiste pas : « Je demande la force Sentinelle. »

Voilà qui permet toujours de bomber le torse, tout en sachant que ces mâles déclarations ne seront jamais suivies d’effets. Tout d’abord parce qu’en zone rurale, la gendarmerie – l’armée, donc – est déjà à l’œuvre dans ces fameux « territoires perdus de la République ». Et parce qu’ensuite, le partage des rôles étant ce qu’il est, notre armée rechigne à se voir déléguer un travail historiquement dévolu aux forces de police.

Il faut en effet remonter à la guerre d’Algérie pour trouver une époque où nos soldats ont été tenus d'exercer des tâches qui n'étaient administrativement pas les leurs. À ce titre, la bataille d’Alger fut certes un succès conjoncturel (le FLN ne tenait plus la capitale), mais ne changea rien d’un point de vue structurel : l’indépendance était en marche, forte du soutien tacite d’un général de Gaulle ayant décidé de larguer ce département français, quoi qu’il puisse en coûter.

Pis, les méthodes employées, même si alors sûrement nécessaires, n’en finissent plus de faire polémique : un militaire est là pour se battre contre d’autres soldats et non point violenter des civils ; d’où la discrétion de la grande muette sur le sujet.

L’actuelle configuration niçoise, touchant nombre d’autres villes et leurs banlieues avoisinantes, ne répond évidemment pas aux mêmes impératifs, s’agissant seulement de tenter d’endiguer le trafic de drogue. Mais ces produits stupéfiants, si de plus en plus de Français ne les consommaient pas, il n’y aurait pas tant de trafiquants.

Ce qui nous amène de fait à un autre débat, fût-il concomitant. Il y a là une flagrante hypocrisie, dont l’affaire Pierre Palmade n’est finalement qu’un des aspects les plus anecdotiques : la drogue, « douce » ou « dure », touche de plus en plus de nos compatriotes, tous milieux sociaux et opinions politiques confondus.

On peut y voir une certaine dégénérescence de notre société, individualiste et hédoniste. Mais dans un pays comme l’Iran, a priori épargné par ces maux, la consommation de crack est en train de supplanter celle de l’héroïne. Et pourtant, ce régime n’est pas le dernier en matière de transcendance, religieuse et politique. Mais rien n’y fait : les dealers ont beau y être pendus par wagons entiers, la consommation de produits illicites ne cesse d’augmenter.

Comme quoi, si, en France, le laxisme ne paraît pas être la réponse appropriée, la sévérité judiciaire iranienne est loin de faire figure d’élixir miracle.

À ce titre, il est à mettre au crédit d’Éric Zemmour d’avoir sérieusement réfléchi à cette épineuse question consistant à imaginer que le cannabis puisse être librement vendu en nos contrées. Soit une option certes détestable, mais finalement préférable à l’anarchie ambiante. Nombre de policiers ne sont pas loin de partager cette analyse : la fumette concerne désormais trop de Français pour raisonnablement mettre fin à son trafic. En revanche, se concentrer sur la traque de produits autrement plus dangereux pourrait demeurer envisageable.

Et puis, pour en revenir aux déclarations guerrières d’Anthony Borré, si l’on commençait par expulser les délinquants étrangers, peut-être y verrions-nous plus clair. D’ailleurs, à quoi peut bien servir de placer de plus en plus de policiers – voire de plus en plus de soldats – dans les coins les plus chauds de France, s’il leur est interdit de se servir de leurs armes, le cas échéant ?

Ce qu’ont, semble-t-il, bien compris les policiers locaux, laissant les divers protagonistes en présence s’étriper et se contentant de compter les points. Ce qui ne saurait, évidemment, servir de politique globale et qui n’est guère satisfaisant pour l’esprit. Mais si la solution existait, nul doute qu’elle aurait été trouvée depuis bien longtemps ; sachant que l’éventuelle réponse a vocation à être plus existentielle que militaire. Le débat demeure plus ouvert que jamais.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

59 commentaires

  1. Mon neveu qui a été actif pendant 15 ans à la DGSE, médaillé 2 fois du mérite militaire et actuellement consultant auprès des mêmes services ne demande qu’une chose depuis plus de 10 ans d’avoir l’ordre de s’occuper des territoires perdus de la République en France métropolitaine avec tout ces collègues qui meurent d’impatience pour agir !!!

  2. L’armée, historiquement, est plutôt faite pour prendre une Bastille et destituer un roi…

  3. Pourquoi vouloir mêler l’armée à ce genre d’affaire ce n’est absolument pas leur rôle ! Pour que l’on dénigre l’armée comme on le fait de la police en parlant de violance policière, laissons d’abord la police faire son travail librement sans les critiqués et ne laissont pas ces médias et ces politiques de gauche s’en mêler sinon on ne s’en sortira pas !!!

  4. Dans le texte de Nicolas : « un militaire est là pour se battre contre d’autres soldats et non point violenter des civils » Oui, mais que faire avec des civils qui se comportent comme des soldats ou des trafiquants armés d’armes de guerre (kalach’) et équipés de gilets pare-balles ?

  5. Je crois que la Légion ferait du bon boulot . Ces gens-là ne font pas dans le sentimentalisme … Ils obéissentb aux ordres . Et si ceux-ci sont précis concernant les exactions des blackblocs et antifas , je ne donne pas cher de ces terroristes .

  6. Mais pas de démagogie ! L »armée, dont ce n’est pas la mission, ne saurait pas faire et n’est pas équipée ni formée pour ! Que la Justice fasse son boulot, des forces de sécurité intérieure feront le reste !

  7. Ce n’est pas le rôle de l’armée…..par contre, si ca continue, il faudra comme au Brésil et au Mexique envoyer l’armée dans certains quartiers!

    • L’armée, l’envoyer dans certains quartiers? D’accord, mais avec carte blanche, et ne pas lésiner sur les moyens.

  8. A la lecture de certains commentaires je me rends compte que nombre de personnes n’ont rien compris aux rôles et missions des armées.
    De plus on critique sans cesse « les violences policières » et on veut faire intervenir des soldats qui n’ont pas de matraque, de menottes, de bouclier et autres accessoires mais des fusils et des baïonnettes à destination létale Comment devront-ils se défendre ? Alors arrêtez de proposer n’importe quoi, alors qu’il suffirait d’une police et d’une justice plus fermes, mais pour cela il faudrait une vraie politique de maintien de l’ordre et de protection des citoyens et des biens.

    • Bonjour Lodevus, Effectivement, si les militaires n’ont pas plus de moyens juridiques que les policiers, à quoi pourraient ils bien servir ? Mais si les lois et la justice étaient plus fermes, on crierait à la dictature. Dans certains pays où j’ai vécu et que je ne citerais pas en exemple, les policiers ont un uniforme et des kalach’ et personne ne vient les chatouiller.

  9. L’armée peut être utile même si ce n’est pas son rôle premier. Si le gouvernement (ce qu’il en reste) décidait un jour de passer au peigne fin tout un quartier gangréné, je pense que l’armée pourrait être utilisée comme force supplétive. Elle serait chargée de boucler intégralement le dit quartier afin que police et gendarmerie puissent oeuvrer en toute tranquillité aussi longtemps que nécessaire. De mon point de vue personne n’oserait traverser les « lignes maginot » de l’armée. Pendant ce temps tout est contrôlé: tous les biens et leur provenance, la présence de drogues et d’armes.

  10. Oups. La drogue devrait être traitée comme un problème de santé publique. On nous matraque à coup de campagnes contre l’alcool (Même contre le bon vin) contre le tabac et contre les drogues ? Rien…Le cannabis détruit les cerveaux de nos ados, vecteur de pathologies type schizophrénie et rien. Le ministère de la Santé (bien mal nommé) ne réagit pas. Pourquoi ?
    Commençons par là !

  11. C’est ça ils vont créer une nouvelle loi pour pouvoir faire fonctionner la loi existante qui elle même ne peut pas fonctionner . Il serait pourtant si simple de mettre de côté les geremiades de la gauche et de rentrer dans le tas pour faire un grand nettoyage. Pays et civilisation faibles qui ne demandent plus qu’à disparaître .

  12. Les américains déboursent entre 30 et 45 milliards de dollars chaque année, tout confondu (répression, prévention, social, etc.), dans la lutte contre les stupéfiants. Pour un résultat nul malgré des moyens colossaux.

Commentaires fermés.

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