« Le pire des bazars règne dans les prisons françaises »

Xavier Raufer : « Le pire des bazars règne dans les prisons françaises »

La semaine dernière, deux détenus de la prison de Fresnes, condamnés pour des délits de droit commun, ont été mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

L'occasion, pour Xavier Raufer, de faire un état des lieux de la Justice française, et plus particulièrement de l'administration pénitentiaire, notamment après les ministères successifs de Rachida Dati et Christiane Taubira.

Hier, deux détenus ont été mis en examen après avoir été soupçonnés de participer à l'organisation d'un attentat terroriste au sein de la prison de Fresnes. Ce phénomène était-il prévisible ?

Dans ce cas présent, il s'agissait de deux terroristes ou plus exactement de deux hybrides. Il s'agissait de garçons qui ont commencé leur carrière dans la criminalité de droit commun et qui, en prison, se sont soit radicalisés soit convertis. Après cela, au lieu de préparer depuis la prison des braquages ou de continuer leur petit business de vente de drogue, ils préparaient un attentat.
Oui, c'était prévisible. Cela ne demandait qu'à arriver, car depuis la présence successive comme garde des Sceaux de madame Dati et de madame Taubira, le pire bazar règne au ministère de la Justice, et plus spécifiquement dans l'Administration pénitentiaire.
Suivant le mauvais exemple venu des États-Unis, et en général des pays qui s'obsèdent sur une conception trop littérale des droits de l'homme, des bandits font la loi à l'intérieur des prisons. Les gardiens sont cantonnés à des taches d'exécution. Ils ne s'occupent pas du reste. Ils ne fouillent plus les prisonniers. Les prisonniers ont donc des téléphones portables et parfois même des armes. Les exemples sont multiples.

Quel avenir voyez-vous pour les prisons françaises dans la mesure où un petit criminel de droit commun peut sortir de prison et devenir un tueur de masse au nom d'une religion ? Quelle solution peut être envisagée ?

Dans un premier temps, il faudrait appliquer le Code pénal, chose qu'on ne fait plus. Cela revient à ce que les gens qui commettent des crimes à l'intérieur ou à l'extérieur des prisons soient sanctionnés. Le problème n'est pas dramatique. Il pourrait être rapidement résolu, mais en France il ne l'est pas depuis 60 ans.
Il faut revenir à l'origine. La Ve République est sortie tout armée de la tête du Général de Gaulle. Or le Général de Gaulle avait le mépris le plus profond pour la Justice française. En 1940, les magistrats avaient tous prêté serment au Maréchal Pétain, à une exception près. En 1944, lorsqu'il est revenu à Paris, ils étaient tous gaullistes. Il les traitait donc comme des clébards, avec le pied aux fesses. Pendant le début de la Ve République, le ministère de la Justice était mal traité en termes de crédits. Ce ministère s'est donc petit à petit clochardisé.

À bien vous entendre, le problème serait plus profond que la radicalisation ? La Justice française doit-elle totalement se réformer ?

La présence successive de madame Dati, qui faisait de la démagogie pour paraître moderne, et de la désastreuse madame Taubira a massacré l'administration de la Justice et après cela de la Pénitentiaire. Tout est à reprendre. Mais tout n'est pas impossible.
Pas plus tard qu'hier, nous avons vu en matière d'administration de la sécurité publique un préfet qui avait fait une grosse bourde être viré. Nous n'avons jamais vu cela pendant le quinquennat de monsieur Hollande. À partir du moment où on reprend la préfectorale en main puis la police territoriale pour dire : « Quand un individu doit être expulsé, vous nous faites le plaisir de ne pas le relâcher dans la rue pour qu'à l'issue il n'aille pas égorger deux innocentes à Marseille », eh bien, il faudrait une manifestation d'autorité semblable à la tête de la Justice de façon à ce que les choses soient reprises en mains.
Ainsi nous ne pourrions plus comme nous l'avons vu cet été employer un drone pour déposer je ne sais quoi à l'intérieur d'une cour de prison pendant la promenade.
Naturellement les prisonniers se sont précipités sur le contenu du colis qui leur avait été livré. Cela pouvait être de la drogue, des armes, une caméra pour filmer pour permettre de faciliter une évasion. Ce colis a été subtilisé sous le nez des gardiens arrivés trop tard.
Or on ne peut plus fouiller intégralement ni les prisons, ni les cellules, ni les individus, ni les parloirs, car les règlements ont été revus drastiquement par une loi de 2009 par madame Dati sous monsieur Sarkozy. La conséquence de ces mesures est bien entendu que le pire bazar règne et la radicalisation est un petit problème au milieu de beaucoup d'autres.

Les droits de l'homme sont-ils un problème dans ce genre de situations ?

Ils ne sont pas un problème en soi. Ils sont un problème lorsqu'ils sont appliqués avec naïveté par des gens qui n'ont aucune idée de la manière dont les choses se passent en prison.
Nous y avons souvent à faire à des fauves. En prison, un individu n'a pas envie d'apprendre le grec ni de se réformer. Sa seule envie est de sortir. Par conséquent, s'il prétend qu'il va apprendre le portugais médiéval pour lui permettre de sortir un jour plus tôt de tôle, il prétendra tout ce qu'on voudra : une fois dehors, passée la fête, adieu le saint. Voilà comment cela se passe.
Les gens qui sont des béats comme ceux des droits de l'homme n'ont pas idée de ce que sont un tôlard et un criminel.

Les experts disent qu'il y aurait des surveillants pénitentiaires qui seraient eux-mêmes fichés S.

Si c'est le cas, c'est exceptionnel, et puis fiché S ne veut rien dire. Si vous avez un militant identitaire qui s'est fait prendre à donner un coup de poing à un agent de police, il risque d'être fiché S. Ce terme veut dire: "signalé passage frontière". Dans les fichés, il y a bien d'autres personnes que des islamistes.
Il y a des fichés S pour islamisme. Ils sont rassemblés dans un fichier appelé FSPRT qui contient les radicalisées potentiellement dangereux avec plus d'un millier d'individus.
Aucun d'entre eux n'a des fonctions dans la Police ou dans la Justice.
Le problème n'est pas là. Le problème est la corruption. 8 fois sur 10 on corrompt ou on effraye un gardien de prison. Les gardiens s'entendent souvent dire : "On sait où tes enfants vont à l'école." À la suite de cela, c'est lui qui va se charger d'emporter à l'intérieur de la prison de la drogue, des puces de téléphone, etc. La radicalisation représente 1 % du problème, et la corruption 99 %.

L'humanisme béat avec lequel on regarde les prisons serait donc un problème beaucoup plus grave que la radicalisation en elle-même ?

Il faut évidemment traiter les prisonniers de façon humaine. Un certain nombre d'entre eux sont évidemment capables de se racheter, même s'ils sont un peu moins nombreux que ce que pensent les béats et les bobos.
Sur 100 personnes allant en prison pour la première fois, une majorité d'entre elles ne se retrouvent après cela plus jamais dans le système pénitentiaire. C'est la preuve que la prison fonctionne. Contrairement à ce qui est dit, la prison n'est pas l'école du crime. Une majorité des primo-détenus n'y retourne plus.
Il faut donc éviter la récidive en boucle. Dans ce cas, on a des personnes endurcies à l'intérieur des carrières criminelles et on ne sait plus littéralement quoi faire pour les retirer de cette carrière criminelle. Certains d'entre eux profitent de ces séjours à répétition pour retourner à la foi de leurs ancêtres ou pour se convertir. Pratiquer une religion en prison, c'est sympa, cela vous permet de sortir de la cellule une fois par semaine et de rencontrer des gens. Celui qui se dit athée reste dans sa cellule. Les autres peuvent soit simplement discuter avec d'autres, soit conspirer pour préparer des attentats, par exemple. Il vaut mieux en prison pratiquer une religion que pas du tout.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 18/10/2017 à 15:48.
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Xavier Raufer
Docteur en géopolitique et criminologue - Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)

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