On vient d'apprendre que le directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, a décidé d'annuler une conférence, qui devait se tenir le 22 janvier, intitulée « À droite, où en sont les idées ? » Il a jugé « non souhaitable » la participation de Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles. Cet universitaire jouerait-il le commissaire politique ?

Il a justifié sa décision sur Facebook : « Il ne s’agit pas pour moi de juger ou d’évaluer les idées de cette personne mais simplement de partir d’un constat : le journal pour lequel il travaille a été condamné en 2015 pour des faits particulièrement graves après la publication d’un dossier dont il avait été l’un des auteurs », ajoutant courageusement que « les organisateurs de la conférence ont estimé en conscience, et je comprends parfaitement leur position, qu'il n'était plus pertinent de maintenir cette conférence ». L'hebdomadaire avait été condamné pour un dossier, publié en août 2015, avec pour titre « Roms, l'overdose ». Une raison pour interdire de débat Geoffroy Lejeune ?

Ce n'est pas la première fois qu'une université, cédant aux pressions de syndicats ou de minorités activistes, procède à l'interdiction de conférences. On se souvient comment, le 24 octobre dernier, la philosophe Sylviane Agacinski, connue pour son opposition au marché de la personne humaine, n'avait pu s'exprimer à l'université Bordeaux Montaigne. Plusieurs organisations avaient dénoncé une « tribune » offerte à une conférencière aux positions « réactionnaires, transphobes et homophobes », invitant les étudiants à se mobiliser et à « mettre tout en œuvre pour que cette conférence n'ait pas lieu ».

Cette fois, l'hypothèse de troubles éventuels n'est même pas évoquée. C'est une censure purement idéologique. À noter que Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, n'a pas encore réagi.

Cet universitaire est aussi un militant engagé. Il ne cache pas son hostilité au Rassemblement national et participa dans le passé à des colloques de l’UOIF, réputée proche des Frères musulmans. Cela ne lui a, semble-t-il, jamais posé de problèmes. Ironie de l’histoire, en 2016, alors qu’on se posait la question, à droite comme à gauche, de la fréquentabilité de l’UOIF, M. Mathiot, interrogé sur sa participation par le passé à ces colloques, avait répondu, rapportait L’Express, "J'en suis ressorti satisfait, je n'avais pas été censuré"... Ce qui est plus inquiétant, c'est que Pierre Mathiot s'est vu confier par Jean-Michel Blanquer une mission sur la réforme du lycée et qu'il copréside actuellement le comité de suivi de la réforme du bac général et technologique, dont il est, en grande partie, l'inspirateur.

Quand on sait que l'examen, sous sa nouvelle forme, est couronné par un « grand oral », censé « évaluer la capacité de l'élève à analyser en mobilisant les connaissances acquises au cours de sa scolarité », on peut se demander si, dans l'esprit de son concepteur, il est destiné à mesurer ces compétences ou la capacité des élèves à s'inscrire dans la pensée dominante. Quand on prétend réformer le lycée pour mieux préparer les élèves à l'enseignement supérieur et les former à une pensée libre, on devrait commencer par ne pas pratiquer soi-même la censure.

Pascal Praud, ce mercredi matin, a renouvelé, sur CNews, son invitation au directeur de Sciences Po Lille : qu'il vienne s'expliquer sur le plateau de « L'Heure des Pros » ! Apparemment sans succès. « Il se planque », a commenté le journaliste. On ne peut que l'approuver. En ne daignant pas justifier publiquement sa position – parce qu'elle est indéfendable ? –, Pierre Mathiot ne fait pas honneur à l'université. S'il ne démissionne pas spontanément de ses fonctions de conseil pour la réforme du baccalauréat, Jean-Michel Blanquer, pour lever toute ambiguïté, ne devrait-il pas le remercier pour le travail accompli et lui donner congé ?

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22 janvier 2020 à 19:01

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