Perquisition du bureau de Dupond-Moretti : « Une magistrature qui fait n’importe quoi… »

Régis de Castelnau

Après la perquisition du bureau d'Éric Dupond-Moretti, la semaine dernière, on apprend que le garde des Sceaux était convoqué, le 16 juillet, devant la Cour de justice de la République pour une mise en examen dans l’enquête qu’elle mène sur des soupçons de « prise illégale d’intérêts ». Réaction de Me Régis de Castelnau au micro de Boulevard Voltaire.

 

Perquisition au ministère de la Justice. Le garde des Sceaux Dupond-Moretti met en cause l’union syndicale des magistrats. Concrètement, les magistrats veulent se faire le garde des Sceaux. Est-ce la grille de lecture qui convient dans ce genre de cas ?

Oui, absolument. C’est un très gros problème. Je vais prendre une petite précaution. Je n’aime pas beaucoup Eric Dupond-Moretti et je considère que c’est un mauvais ministre de la Justice. De plus, il s’est un peu ridiculisé à l’occasion des élections régionales. Pour l’instant son bilan n’est pas fameux. Quand on parle de la Justice, on parle du corps des magistrats. Les organisations syndicales ont déposé des plaintes pénales contre le garde des Sceaux en prétendant qu’il y avait une prise illégale d’intérêts. C’est une infraction qui réprime le mélange des casquettes publiques et privées en même temps. Dupond-Moretti avait été victime de la fameuse enquête secrète diligentée par madame Houlette. Il avait déposé une plainte qu’il a retirée à ce moment-là.

Comme garde des Sceaux, il a la responsabilité de la discipline des magistrats.

Que font ces organisations syndicales ? Elles déposent une plainte, mais elle sont irrecevables.

Le jour venu, les organisations syndicales seront hors de ce dossier, mais celui-ci va se poursuivre.

Dans le cadre de l’instruction de ce dossier, les mêmes magistrats ont vu se dérouler une perquisition place Vendôme. Des gendarmes ont débarqué et ont passé 15 heures à tout fouiller.

 

Je suis tout à fait d’accord pour dire que cela empêche les institutions régaliennes de travailler, mais cela ne préoccupait par trop Eric Dupond-Moretti lorsqu’il allait se perdre dans une campagne régionale dans les Hauts-de-France.

 

Je me moque de Dupond-Moretti. Ce n’est pas mon problème. Mon problème c’est que j’ai une magistrature qui fait n’importe quoi. On a dit aux militaires en retraite qui avaient signé une pétition que ce n’était pas possible, qu’il y avait un devoir de réserve. Et on a des organisations syndicales magistrates qui font de la politique. Je vous signale que le 12 juin dernier, une grande manifestation à caractère politique contre l’extrême droite avait eu lieu. Les magistrats étaient descendus dans la rue pour arpenter le pavé. Ils ont un devoir de réserve largement aussi fort que celui des militaires.

Ils ne sont pas en retraite.

Au sujet de la prise illégale d'intérêts, les gens dans le public ne savent pas comment cela fonctionne. Personnellement, j’ai ce privilège, car j’ai enseigné cette matière, j’ai écrit des livres et j’ai pratiqué dans mon métier d’avocat. Je sais que c’est compliqué. On dit aux gens, prises illégales d’intérêts et mélange des genres, et ils sont persuadés que c’est de la corruption et qu’il y a de l’argent caché.

Ils ont dû fouiller les placards pour avoir perquisitionné 15 heures. Je pense qu’il est urgent que le corps des magistrats se reprenne. Je manifeste une fois de plus mon opposition à l’existence des syndicats des magistrats chez les juges du siège.

 

Lorsque Dupond-Moretti avait été nommé en juillet 2020, la présidente de l’USM, Céline Parisot avait déclaré que nommer une personnalité aussi clivante et qui méprise à ce point les magistrats est une déclaration de guerre à la magistrature. Pour donner du crédit à ce que vous avancez, à quel moment l’exécutif peut déclarer la guerre à la magistrature, donc à la Justice qui est indépendante et qui est au service des administrés ?

Cette phrase est extraordinaire. Je signale à cette dame qu’elle est magistrate, mais je lui rappelle quand même qu’un pays où il n’y a pas de séparation des pouvoirs n’a point de Constitution. Si elle veut bien s’en rappeler, la personne qui a dit cela s’appelait Montesquieu.

Le ministre est tenu à l’indépendance de la magistrature du siège parce que c’est normalement le garant de son impartialité. Tout le monde connaît l’impartialité de la magistrature française.

En l’occurrence, cette déclaration est invraisemblable. Il n’y a pas beaucoup de pays où cela se passerait comme cela. L’affaire de la perquisition place Vendôme est un nouvel affaiblissement de l’institution. Je pense que l’on n’a pas à dire merci à ce corps des magistrats parce qu’ils sont soudés. La nomination de Dupond-Moretti m’a fait sourire. Bachelot, ministre de la Culture et Dupond-Moretti, ministre de la Justice, il y a de quoi rire ! Pour autant, c'est la responsabilité du chef de l’État qui signe les décrets de nomination. Vous imaginez la nomination d’un ministre de la défense et on aurait des syndicats de militaires qui viendraient dire que ce ministre ne convient pas, c’est une déclaration de guerre à l’armée.

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