La France ne parle que de l'extrême chaleur, de la canicule au cours de cet été, et ceux qui voudraient travailler en sont quasiment découragés.

De la même manière qu'elle consacre une part importante de ses informations au grand froid en hiver.

J'ai scrupule à troubler ce monopole de l'intérêt public par un sujet qui, heureux hasard, ne nous fera pas quitter le domaine du ministre de la santé Agnès Buzyn.

Elle a récemment déclaré, questionnée sur le remboursement de la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires (2.000 chaque année), que « cela allait de soi ».

Pour ce qui s'affiche comme le progressisme, tout va toujours de soi.

Je ne suis pas assez omniscient pour aborder autrement qu'avec un esprit tremblant l'instauration de la PMA qui ne trouble pas que les conservateurs. On peut admettre que, une fois le pas de sa création franchi, rien peut-être ne justifierait qu'elle ne soit pas remboursée.

Mais la formule « aller de soi » me perturbe, me semble constituer le degré zéro de la pensée et du débat.

Rien ne va jamais de soi dans la vie et dans la réflexion. Ou alors c'est le slogan imbécile de ceux qui, refusant de discuter, s'empressent de fermer les portes du dialogue. Ils appartiennent à tous les camps, qu'on déteste le pouvoir ou qu'on le soutienne. C'est une certaine manière de ne rien admettre qui viendrait sinon contredire, du moins faire douter.

Puisque, bien sûr, cela va de soi. On a forcément raison et pourquoi se donner la peine d'accueillir la diversité des points de vue et la richesse de la contradiction ?

Cela va de soi, c'est évident. Je reconnais n'avoir pas toujours échappé à ce défaut qui est une paresse, une impuissance. On baisse l'esprit comme on baisserait les bras.

On comprendra mieux pourquoi, avec cette dénonciation du « cela va de soi », j'ai été ébloui par le petit livre de Sylviane Agacinski dans la collection Tracts, chez Gallimard : L'Homme désincarné. Elle relève avec brio et une intelligence qui ne surestime pas par principe toutes les avancées du futur le défi d'introduire dans ce débat si confortablement consensuel sur la PMA une inquiétude, voire une angoisse.

Elle alerte « notamment sur les dangers que présente la volonté de produire sa descendance en laboratoire au nom d'un ultralibéralisme sans foi ni loi ».

Il faut respecter cette voix dont la dissidence éclairée sur cette matière infiniment sensible apporte beaucoup. Tout le monde n'est pas obligé de changer son point de vue comme le Premier ministre sur la PMA !

Il me semble qu'il ne serait pas choquant de rapprocher de cette alerte à la fois morale et démocratique la crainte exprimée par François-Xavier Bellamy d'une société risquant de passer du transhumain à l'inhumain.

Pardon, Madame le ministre, mais rien ne va jamais de soi. Sinon, la politique serait inutile.

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29 juillet 2019 à 8:35

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