Palme d’or à Cannes : concours de mauvaise foi entre ministre et réalisatrice

Ainsi donc, la Palme d'or est, une nouvelle fois, française. Ne boudons pas notre plaisir. C'est toujours agréable. Justine Triet, qui a réalisé Anatomie d'une chute, n'avait apparemment pas prévu qu'on lui remettrait la récompense suprême du Festival de Cannes. Émue, elle a d'abord cherché ses mots. C'était plutôt touchant. Et puis, rapidement, la machine s'est emballée et la réalisatrice primée est retombée sur des éléments de langage qu'elle maîtrisait à la perfection. Deux paragraphes dans son pamphlet, pour être précis : d'abord, un tacle contre le gouvernement, qui n'a pas écouté la colère du peuple sur la réforme des retraites. Ensuite, un couplet, un peu plus intemporel, sur les dangers d'une marchandisation de la culture sous un pouvoir libéral.
Heureuse de voir la Palme d’or décernée à Justine Triet, la 10ème pour la France ! Mais estomaquée par son discours si injuste. Ce film n’aurait pu voir le jour sans notre modèle français de financement du cinéma, qui permet une diversité unique au monde. Ne l’oublions pas.
— Rima Abdul Malak (@RimaAbdulMalak) May 27, 2023
Par Twitter interposé, le ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, a sèchement répondu à Justine Triet. Elle s'est notamment dite « estomaquée par son discours si injuste » et a rappelé que la sacro-sainte exception culturelle française permettait « une diversité unique au monde ». Il est vrai que, si l'on enlève les subventions de ce méchant pouvoir libéral, via le CNC, mais aussi l'argent versé par la région Auvergne-Rhône-Alpes (du méchant Laurent Wauquiez) et par Canal+ (du méchant Vincent Bolloré), on ne voit pas bien comment ce film aurait pu être réalisé. Mais bon, de même qu'il est plus facile, pour un général de plateau télé, de critiquer les options militaires prises par la France quand on a tous ses trimestres, il est plus confortable, pour une réalisatrice iconoclaste, de dénoncer le système quand on a tous ses financements.
Cependant, question mauvaise foi, Rima Abdul-Malak n'est pas en reste. D'abord, le modèle de l'exception culturelle française ne permet pas vraiment la diversité : les films subventionnés par le CNC aiment parler de belles rencontres entre une bourgeoise débordée et un migrant plein de sagesse. Il peut y avoir des modulations à la marge, mais les schémas sont tout de même assez répétitifs. Ensuite, l'indignation du ministre, évidemment surjouée et ridicule, passe volontairement sous silence la première partie du discours - celle où il est question des retraites... probablement parce que cette mobilisation quasiment unanime est, elle, moins sujette à caution.
Évidemment, c'est agaçant, ces prises de parole politiques dans une enceinte qui n'est pas faite pour ça. C'est agaçant, mais ça n'est pas nouveau. On n'a rien demandé à Justine Triet, rien d'autre que de faire des films. Mais ce qui est tout aussi agaçant, c'est le comportement de la Macronie, très susceptible quand on ose remettre en question son message messianique et la validité de son modèle, idéologique comme économique.
Un concours de mauvaise foi entre une réalisatrice française et son ministre de tutelle : le spectacle est triste, gênant, mesquin. Désolé pour ceux qui croyaient encore à notre rayonnement culturel.

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64 commentaires
Finalement, on n’a aucun respect pour un bonhomme ou une bonne femme qui vient nous dire que penser, qui se plaint en recevant son prix prestigieux et je peux me passer de voir son film … elle a déjà eu ses subventions , je ne vais pas en rajouter.
Qu’elle pleurniche avec ses pairs…
Je ne m’intéresse en RIEN à ce festival et très peu au cinéma d’une façon générale.
Ces profiteurs(ses) ingrat(e)s se passeront du prix de mon ticket.
Cette pseudo artitsto-intello ose cracher dans la main qui la nourrit et, en plus, « oublie » de citer l’une des causes de la crise des retraites qui est la mondialisation libérale qui la fait vivre !
Le cinéma : un peu d’art, beaucoup de pognon: sans argent pas de cinéma ! L’art c’est la littérature, la peinture, la sculpture, l’architecture… bref, la pensée la beauté et l’intelligence sans l’argent.
Une défaite de plus de l’intelligence…même « à la française »…Vous alliez au cinéma pour vous cultiver, voire (horresco referens !) vous amuser…et bien dansez maintenant !…vil peuple…chair à populiste ! Justine Triet est-elle vraiment Alain Resnais, Louis Malle, François Truffaut ou même Agnès Varda ? Si nous n’étions déjà « vaccinés »…emm….dons nous-donc de concert !
Très franchement on s’en fout un peu et des pensées profondes de Mme Triet et des pensées pas moins profondes de Mme Abdul Malak.
j’espère seulement que le film n’est pas un de ces films d’entresoi, visible que par les aficionados du système.
Encore un film de bobo pseudointellectuel de gauche que pas grand monde ira voir
Festival de Cannes !! Qui paye ces 15 jours de déploiement de luxe ??? Pas jaloux ,simplement curieux ??
idem
Je me félicite et ce depuis longtemps de ne plus m’intéresser à ce machin propagandiste politique qu’est devenu le festival de Cannes .
Ce que pense et déblatére cette femme qui vien d’être honorée est une honte, ce n’est pas une tribune politique, de plus elle crache dans la soupe, finalement elle est minable, j’ai déjà oublié le titre du film ce qui ne m’empêchera pas de dormir!
C’est gentil de nous donner la palme d’or. Ça permettra à ce film de dépasser les 1000 entrées…
Eh oui, chaque fois qu’une célébrité s’exprime sur une autre sujet que ce qui concerne sa spécialité, le discours devient insupportable. En clair, on nage en plein ultracrépidarianisme!
Pour ceux qui regardent…, observent les films français avec attention, il n’est pas difficile de remarquer que le vrai bon cinéma n’existe plus, ou alors rarement depuis 1992. Pourquoi ? Parce que le pouvoir socialiste décidait en hâte, avant d’être « aplati » aux législative de mai 1993, de subventionner la réalisation des films.
Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il y a bien trop de films intellos subventionnés, oui. Il y a des artistes incapables de faire 1000 entrées car politisés à mort, même avec des subventions, oui. Et ce cinéma devrai disparaitre, oui !
Mais on a eu le dîner de con, le prénom, Intouchable, Bienvenue chez les ch’tis, The artist, OSS 117, le sens de la fête… Et c’est aussi grâce aux subventions. Cette génération fait du bon cinéma ; même s’il est difficile de prendre la suite des Chabrol, Berry, Sautet, Tavernier, Poiré, Blier…
Le cinéma français est mort, paix à son Ame !!!!
Le Festival de Cannes devrait ne parler que de cinéma. Ça peut paraître réducteur, mais il ne faut pas tout mélanger. Les réalisateurs qui font partager leurs opinions politiques grâce à leurs films, ne doivent pas pour autant le faire lors d’un festival de cinéma.
Absolument d’accord.
Encore un film qui fera trois strapontins ;mais peu importe, il est pré-finance par ces imbéciles de Français.
Les propos de Rimabdul démontrent une fois de plus qu’il convient de supprimer le Ministère de la Culture et d’en revenir à celui des Arts & Lettres. Quant à la place du cinéma français dans le monde, c’est une joyeuse farce, une simple construction intellectuelle (de gauche bien sûr).
C’est pas faux…
Entièrement d’accord pour la suppression du « ministère » de la culture (pas des betteraves) qui ne sert à rien . Il y a ( avait) , en principe, un ministère de l' »éducation nationale » (pour pallier les carences/insuffisances éducatives de la famille ?) et bien d’autres institutions/associations, à commencer par les conservatoires et patronages : Toujours rajouter des couches pour employer des inutiles ! Malraux, ta pensée a (aussi ; encore) été dévoyée ! Le cinoche, qui y va encore ? C’est une ère révolue qui a eu ses heures de gloire (anglo-saxonnes) éphémères de 1955 à 1980..
Quand tous les artistes ont appelé au « no pasaran » entre les 2 tours de la présidentielle, ils étaient de bons citoyens.
Quand ils osent mordiller la main qui les nourrit, ils sont ingrats.
Pourquoi ne demande t’on pas aux Français ce qu’ils pensent de notre fameuse exception culturelle, que le monde entier nous envie ?
Les salariés du secteur privé doivent savoir qu’ils financent le ruineux régime des intermittents du spectacle !
pourquoi les salariés du privé ? ceux de la fonction publique participent de la même façon.
Le régime des intermittents du spectacle est financé par l’assurance chômage, qui ne concerne pas les salariés du secteur public.