On peut être fier d’être breton et défendre l’universalité de la langue française

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Quinze élèves d'une école Diwan de Carhaix, où l'enseignement est dispensé en langue bretonne, ont décidé de passer leurs épreuves de mathématiques en breton. S'ils n'ont pas été sanctionnés (douze ont obtenu le bac, parfois avec mention, et deux sont au rattrapage), cette bravade n'a pas seulement un côté anecdotique. 

Que ces lycéens, qui ont reçu le soutien de plusieurs personnalités du monde politique, associatif et culturel, aient exercé une forme de provocation ne fait guère de doute. Il leur paraît logique de passer le bac en breton, puisque tous leurs cours se font dans cette langue. De plus, il est déjà possible, dans sept établissements des Pyrénées-Atlantiques, de rédiger en basque les épreuves d'histoire-géographie et, pour l'un d'entre eux, l'épreuve de mathématiques. Pourquoi discriminer le breton par rapport au basque ?

S'il faut reconnaître le caractère régionaliste de ce type de revendications, la responsabilité semble en incomber aux autorités qui ont progressivement permis que des épreuves d'un examen national fussent rédigées en langue régionale. Mais c'est à l'Europe (une fois de plus ?) qu'en revient la responsabilité première. Dans les années 1990, le Conseil de l'Europe a lancé une Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui vise à protéger et à promouvoir ces langues en tant qu'"aspect menacé du patrimoine culturel européen" et à favoriser leur "emploi dans la vie publique et privée".

Signée en 1999 par Lionel Jospin, cette charte n'a toujours pas été ratifiée : elle comporte, en effet, selon le Conseil constitutionnel, "des dispositions susceptibles de remettre en cause les principes d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français". C'est là tout le problème. On pressent les risques que font courir à l'unité de la France ces revendications autonomistes de la Bretagne, de la Corse, du Pays basque, voire d'autres régions. La charte a beau préciser qu'elle ne comprend pas les langues liées à l'immigration récente, on imagine aisément les pressions qui pourraient être exercées.

Il ne s'agit pas de nier les richesses de nos régions, y compris dans leurs langues : elles doivent être sauvegardées. Mais quand le régionalisme prend la forme du communautarisme, on peut se demander s'il ne représente pas un danger pour la cohésion du pays. Que l'Europe soit favorable à l'extension des langues régionales n'est pas étonnant : tout ce qui affaiblit les nations est bon à prendre. Mais si l'on estime que la langue française est un facteur d'unité, qu'elle a un rôle essentiel dans l'identité de la France, il convient de la défendre contre toutes les attaques, petites ou grandes, qu'elle subit.

À gauche, ce fut la position constante de Jean-Pierre Chevènement, qui s'oppose à "la fragmentation de l'espace républicain et la dissolution de la nation française". C'était aussi, pendant sa campagne de 2007, celle de Nicolas Sarkozy, qui déclara :

Je ne veux pas que, demain, un juge européen […] puisse décider qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le français.

 
Emmanuel Macron, pour sa part, s'est déclaré, en 2016, favorable à la ratification de la charte et a vanté, devant son allié François Bayrou, "toutes ces langues qui, de la Bretagne jusqu’à la Corse, doivent pouvoir vivre dans la République, sans en rien menacer la langue française mais en faisant vibrer notre diversité et notre richesse" : autre version du « et en même temps » qui n'étonne guère chez ce Président qui ne croit pas aux vertus de la nation.

Céder un peu aujourd'hui, c'est accepter de céder beaucoup demain. On peut être fier d'être breton et défendre l'universalité de la langue française.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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