Mais il n’y a pas que l’économie dans ce pays !
J’aurais aimé avoir à écrire autre chose, suite à nos deux tours de l’élection présidentielle, car la situation française est passée, en quelques jours, de préoccupante à très préoccupante. Il ne s’agit pas d’attribuer à la seule élection d’Emmanuel Macron les prochains dangers qui arrivent, mais surtout d’analyser objectivement la voie que les Français se choisissent.
Bien sûr, je suis loin de penser que les questions économiques ne représentent rien pour un pays, et qu’il faille les mettre sous le boisseau. La France souffre d’un manque de bénéfice des richesses qu’elle produit, au grand dam des entrepreneurs, les plus à même de comprendre, puisque les salariés sont soigneusement empêchés (non par les patrons, mais par l’État) de voir le fruit de ce qu’ils produisent. Pour bien parler d’économie, il est normal de jouer à l’économiste. Cependant, les questions économiques sont aussi essentielles parce qu’elles sont le véhicule pratique et incontestable des directions qu’on souhaite nous faire prendre. La France étant prisonnière de sa culture de l’« être » (mais est-ce un déshonneur ?) face aux cultures du « faire » et de l’« avoir », elle peine à trouver sa place dans la mondialisation.
Quand un économiste croise un économiste, de quoi parlent-ils ? D’économie, pour sûr. Quand un patron rencontre un autre patron, de quoi soupirent-ils ? D’économie, toujours. Mais quand un politique croise un autre politique, de quoi s’extasient-ils ? D’économie, bien sûr. Quand un député bataille un autre député, de quoi ferraillent-ils ? D’économie, encore. Quand un avocat rencontre un autre avocat, de quoi plaident-ils ? D’économie, mazette ! Et quand un journaliste rencontre un autre journaliste, de quoi s’informent-ils ? D’économie, pour tous.
Tous, donc, économistes en puissance, ont adopté une grille de compréhension au regard de ce seul critère. Un tel prisme tend à rendre parfaitement incompétent dans le domaine des idées, bigrement plus complexes que des colonnes crédit-débit. Raison pour laquelle ils adopteront les mêmes, puisqu’il le faut en France, et qu’elles leur sont livrées « packagées ». Or, les idées sont loin de se cantonner à l’économie seule, et c’est bien là que se joue la belle alliance du libéralisme et du socialisme, l’un apportant à l’autre ce qu’il est incapable de produire.
Le monde anglo-saxon, suprématie habile de l’économie planétaire, fait prendre au reste du monde ce virage social-libéral, conjugaison harmonieuse de l’individualisme qui « like » et consomme avec le nivellement, rendant semblables deux éléments entre eux. En réalité, il s’agit là du sujet de fond. C’est l’enjeu qui confronte les peuples et les élites, les campagnes et les mégalopoles, les salariés et « les patrons », les hommes et les femmes, les hétérosexuels et les homosexuels, la famille traditionnelle et « les familles » contemporaines, le devoir et le droit, l’esprit et le corps, l’être et l’avoir, la construction et la déconstruction.
Cela fait beaucoup, j’en conviens, et c’est pourquoi nous parlons de civilisation. À l’heure où la pyramide de Maslow explique tout, on aura pris soin de mettre l’économie au cœur de nos besoins, de celui de manger jusqu’à celui de s’accomplir, craignant de manquer d’argent, de perdre son emploi ou souhaitant nécessairement s’accomplir par le travail (vous aussi, Mesdames). Comment, dans ce cas, s’intéresser aux fondations ? Pourtant, Dieu qui vomit les tièdes vomit probablement les citoyens du monde, plus attentifs à ce qui se passe à l’extérieur qu’à l’intérieur, désormais vide. La nature, elle aussi, en a horreur. Pour ma part, je perçois mal comment d’autres ne pourraient pas y prendre leur place ; et puisque les Français y consentent, ce n’est qu’une question de temps.
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