C’était en novembre 2016, juste entre les deux tours des primaires de la droite. C’est dire qu’on en a fait peu de cas… Madame Jane D. Hartley, ambassadeur des États-Unis à Paris, recevait en son palais le gratin de la culture institutionnelle, le collectionneur François Pinault et quelques marchands d’art contemporain, sous le regard enamouré de madame Hidalgo. Notre maire venait y recevoir le don grandiose de Jeff Koons à la France touchée par les attentats : une œuvre symbolisant notre deuil pour l’éternité et la postérité par… un bouquet de tulipes.

Enfin, des tulipes, il faut le dire vite… Précisément "un assemblage de bronze et d’aluminium poli de près de 12 mètres de haut, et pesant environ 33 tonnes avec sa base", le tout figurant "une main hyperréaliste tenant un bouquet de tulipes". À condition d’avoir une forte imagination, car les tulipes en question ressemblent plutôt à des préservatifs crevés…

Ce machin monumental qui ne servira même pas à faire pisser les chiens devait être installé, dès cet été, sur l’espace séparant le Musée d’art moderne de la ville de Paris et le palais de Tokyo. Soit juste en face de la tour Eiffel, au beau milieu de ce magnifique espace architectural hérité de l’Exposition universelle de 1937, chef-d’œuvre de l’art déco.

Pour l’heure, pas de tulipes, et j’espère bien que ces fleurs pourries ne verront jamais le jour. Pourries par le mensonge, pourries par l’argent. Une escroquerie, en fait. Pire que cela : un « bras d’honneur » fait par l’artiste à la France.

C’est Robert M. Rubin, ancien président de la Centre Pompidou Foundation, qui expose ce lundi les dessous de l’affaire dans une tribune au Monde.

Pour résumer : Jeff Koons, auquel Jean-Jacques Aillagon avait ouvert en grand les portes de Versailles voilà dix ans, se devait – c’est une tradition d’élégance minimum – d’offrir en retour une œuvre à la France, qui venait ainsi de faire grimper sa cote de façon magistrale. Mais, sans doute trop occupé à compter ses centaines de millions de dollars, celui qui installa son homard dans les appartements royaux ne s’est jamais acquitté de sa dette. Pourtant, écrit Robert M. Rubin, avec cette "carte blanche à Versailles", "Koons – déjà récipiendaire de la Légion d’honneur – a reçu une reconnaissance sensationnelle hors des milieux de l’art contemporain". Et si ses marchands s’en sont mis plein la caisse, les contribuables français, eux, n’ont jamais rien tiré de la queue du chien ou de celle du homard.

On a donc fait semblant de croire que le "Bouquet de tulipes" commémoratif des douleurs endurées était le paiement – certes tardif – de la dette. Sauf que ce cadeau relève aussi, à sa façon, de l’art conceptuel : en effet, le malin Koons n’a pas offert une œuvre mais… "un concept" ! J’explique : si nous voulons défigurer un des plus beaux sites de Paris avec ses ferrailles kitsch, il va nous falloir les financer et les construire !

"Koons offre seulement le concept, l’idée originale. Quelqu’un d’autre doit payer pour la production de l’œuvre, les coûts de préparation du site et de son installation, soit un montant d’environ 3,5 millions d’euros. Ces fonds doivent être levés auprès de mécènes dont les noms ne seront connus qu’une fois le projet approuvé par les Bâtiments de France. Il y a fort à parier que ce seront des amateurs de Koons fortunés, des collectionneurs et des marchands d’art qui figurent sur la liste d’attente pour l’obtention d’œuvres à venir de l’artiste…", écrit M. Rubin.

Alors, je vous le demande : Français, insurgez-vous ! Ne laissons pas implanter au Trocadéro cette horreur, ce bubon de la peste capitaliste qui ne voit dans l’art que ses dollars. Levons-nous, protestons, pétitionnons avant qu’il ne soit trop tard ! S’il le faut, même, assiégeons Macron ! Mais non, non, trois fois non, nous ne paierons pas les affreuses tulipes de Jeff Koons !

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01 août 2017 à 0:36

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