Non, M. Blanquer, le bac ne se passe pas « normalement » et vous le savez bien

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Quand les historiens écriront l'histoire du macronisme, au chapitre de l'information, on sera étonné de voir cette coexistence entre une frénésie de contrôle, de traque aux « fake news » et de manipulations énormes de la part du pouvoir. Derrière Emmanuel Macron et Christophe Castaner, nominés pour leurs remarquables prestations durant la séquence « gilets jaunes », Jean-Michel Blanquer aura, lui aussi, droit à son petit diplôme.

Avec le renforcement du contrôle de la liberté d'expression des enseignants contenu dans la loi dite de l'École de la confiance, il avait déjà décroché un accessit. Mais, avec cette première journée du bac 2019, il est sur la bonne voie pour la mention. Tout est fait par le ministère et les médias pro-gouvernementaux pour minimiser, invisibiliser la grève des enseignants le premier jour du bac. Il faut rappeler à quel point, pour un prof, faire grève le jour de l'épreuve de philo-français, c'est briser un tabou. Beaucoup l'ont fait, c'est historique et cela devrait inquiéter la rue de Grenelle.

Quels que soient les chiffres avancés par le ministère, les réalités vécues sur le terrain sont là : des pointes de grévistes à 50 % dans certains lycées de région parisienne, mais aussi en province, comme à Montauban, par exemple. Des salles surveillées par des étudiants, des AED, des AVS, parfois des parents, ou des administratifs mis à contribution. Des salles sans les deux surveillants réglementaires. Des couloirs sans surveillants. Non, le bac 2019 ne s'est pas déroulé normalement.

Comme Christophe Castaner accusant les gilets jaunes de tous les maux, le ministre Blanquer a adopté cette ligne d'attaque ce matin, au micro de Léa Salamé : faire grève le jour du bac serait « aberrant », « pas acceptable », et trahirait de la part des enseignants un manque de « conscience professionnelle ». Le petit refrain bien connu du mépris et de la culpabilisation...

Le Monde est allé enquêter dans les rouages du mammouth et des élus et y a trouvé des motifs d'inquiétude pour ce très bon élève de la Macronie. Florilège :

« Il y a des recteurs qui ont peur, et qui ont reçu la consigne très claire de mettre sous le boisseau toute contestation », « Avec Blanquer, tout passe… jusqu’à un certain point », « L’état de grâce peut s’arrêter du jour au lendemain… », « Il y a une sincérité d’inquiétudes qui s’exprime chez les enseignants mais aussi chez les parents, les maires… M. Blanquer fait, je pense, une erreur en l’évacuant d’un revers de manche. »

Certes, malgré ses mensonges éhontés, Christophe Castaner est toujours là. Et il en ira de même de M. Blanquer. Mais cette stabilité que leur confèrent les institutions ne trompera que les adeptes de l'auto-tromperie. À trop vouloir faire et faire dire que les choses se passent « normalement » alors que la réalité montre le contraire, ils risquent de finir comme cet homme politique devenu président de la République qui se voulut, lui aussi, « normal ».

À Toulouse, à Lyon, j'apprends que des AG nombreuses viennent de voter la reconduction de la grève... Tout se passe « normalement ». « Jusqu'à un certain point ».

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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