« Il n’y a plus de saisons ! », entend-on répéter à l’envi, mais quand, d’aventure, elles pointent leur nez, c’est un scandale d’État :
Il fait chaud en juillet ? Mais que fait le gouvernement ?
Il pleut en novembre ? Mais que fait le gouvernement ?
Les rivières débordent ? Mais que fait le gouvernement ?
Il neige en février ? Mais que fait le gouvernement ?

La météo est, désormais, un perpétuel sujet de scandale. Contrairement aux citoyens, la nature n’a plus aucun droit. Elle est priée de se plier à nos desiderata et, partant, alimente les commentaires et les indignations les plus débiles. Y compris de la part des politiques.

Surtout, elle occupe tout le peu de temps de cerveau encore disponible chez les Français. Je vous laisse juges : ce mercredi 7 février, le JT de 13 heures sur France 2 (la chaîne d’État) s’est ouvert sur l’épisode neigeux. Durée des multiples "reportages" sur le sujet : 28 minutes. À 13 h 29, quelques mots sur le boycott du déjeuner avec Emmanuel Macron par les nationalistes corses et questions au ministre de l’Intérieur, présent en Corse. On l’interroge sur… la neige en région parisienne ! On enchaîne durant quatre minutes avec le feuilleton de la semaine (le Jura et la neige) et c’est tout pour l’information.

La Syrie, Le Yémen, le procès Abdeslam, la dégringolade boursière ? Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Connais pas.

C’est consternant de nullité. Tout comme sont consternants la plupart des commentaires de nos concitoyens qui en appellent à l’État pour tout et n’importe quoi. Leur propre responsabilité ? Ils n’y songent même pas. Comment ça, le gouvernement ignorait quelle quantité de neige allait tomber ? Comment ça, il n’y a personne au bord des routes pour distribuer des pneus neige ! Mais que font-ils donc, dans les ministères ? Et que fait la police ?

Notez bien, tous ces pseudo-reportages sont riches d’enseignements. On y découvre l’incroyable inconséquence de ceux qui prennent la route sans précaution aucune, quels que soient les avertissements, persuadés que, quoi qu’il advienne, on viendra toujours les tirer d’un faux pas. Ceux qui laissent leur voiture au milieu de la chaussée et s’offusquent que les déneigeuses ne passent pas. Ceux qui, à l’instar d’un Juppé, s’avisent tout à coup que le TGV, face aux intempéries extraordinaires, n’est qu’un train à petite vitesse.

Et puis, on découvre la ville morte, Paris interdite. Les touristes qui, comme les singes au zoo, sont contraints de photographier nos parcs au travers des grilles closes. La nature ultra-domestiquée est interdite aux piétons pour cause de danger ! Quel danger ?

J’ai souvenir, moi, d’un Paris d’hiver où l’on pouvait traverser le Luxembourg dans la neige bleutée du matin, les Buttes-Chaumont pentues où les enfants faisaient de la luge et des bonshommes de neige… Aujourd’hui, ils sont contraints de ramasser la gadoue sur les capots de voiture ou même au milieu de la chaussée. Pauvres gosses ! C’est que le Paris bobo de madame Hidalgo redoute plus que tout les bobos.

Mais il faut croire que ça n’est pas assez, puisque les Français réclament encore : protégez-nous du temps ! Chassez le froid de l’hiver et la chaleur de l’été, interdisez les avalanches le temps des vacances et accrochez le soleil au-dessus des pistes ; et puis, interdisez aussi les crues qui inondent nos jardins, et la mer qui reprend ses droits sur nos villas les pieds dans le sable.

Une grosse averse de neige tous les cinq ans, voilà à peu près la fréquence. Les gens sont piégés sur la N118 ? Les bus ne roulent plus, les trains de banlieue sont à l’arrêt, les TGV roulent au pas ? Vite, il faut un coupable.

On l’a trouvé : c’est Macron.

8082 vues

07 février 2018 à 17:59

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.