Mort de Napoléon, il y a 200 ans : les chances gâchées de la France

Napoléon

On va célébrer, le 5 mai 2021, le deux-centième anniversaire de la mort de Napoléon Ier, prisonnier des Anglais, après une brillante et héroïque défaite, comme les Français les aiment, à Waterloo. J'ai la faiblesse de préférer les victoires calmes et laborieuses aux brillantes épopées mortelles. Comme, par exemple, l’œuvre d’apaisement et de prospérité d'Henri IV. Car Napoléon a laissé la France plus petite que celle qu'il avait trouvée à son avènement.

Il a commis beaucoup d'erreurs, mais aussi connu des victoires étincelantes. Notamment celle d'Austerlitz, le 2 décembre 1805. Toujours en 1805, il y avait eu d'autres victoires sur terre, mais des échecs sur mer. La situation, pourtant, n'était pas facile : le traité de Saint-Pétersbourg avait fondé une troisième et formidable coalition contre la France : Russie, Angleterre, Suède, Autriche. Mais le triomphe d'Austerlitz (que Villepin ne voulut pas commémorer) ne fut pas saisi comme une chance unique d'isoler l’Angleterre.

Rappelons une suite d'erreurs. De 1798 à 1801, la campagne d’Égypte fut insensée et se termina sans gloire : Napoléon lâcha Kleber pour poursuivre ses ambitions politiques en France. À cette époque, il aurait été bien plus avisé de libérer le Canada perdu trente ans plus tôt au lieu de vendre la Louisiane aux USA, en 1803, sans l'assentiment de l'Assemblée nationale et en violation des traités.

En 1805, la première erreur de Napoléon est de renoncer à susciter des révoltes en Écosse et en Irlande, puis à envahir l’Angleterre.

La deuxième erreur est d'avoir confié toute la flotte à Villeneuve, ce qui conduira à Trafalgar.

La troisième erreur - de beaucoup la plus grave - est de ne pas avoir utilisé l’extraordinaire victoire d’Austerlitz contre la coalition austro-russe. En effet, sous le coup de ce grand succès, la Prusse et même l'Angleterre (Pitt puis Fox) sont prêtes à négocier. Mais Napoléon va avoir la folie des grandeurs, redécouper les royaumes et les empires et caser sa famille sur des trônes.

Autre erreur : le blocus continental. Puis il y aura des révoltes populaires, en Calabre, en Espagne, au Tyrol... Les succès militaires saignent peu à peu la jeunesse française : un manque de pères qui creusera la pyramide démographique et fera qu'en 1870, la France se battra contre la Prusse et ses alliés à un contre deux. Il y aura la quatrième, puis la cinquième coalition. Napoléon va s’emparer de territoires de plus en plus éloignés du sol national, comme Naples, la Pologne, l'Ukraine, la Dalmatie... La sixième coalition sera fatale et le début de la fin, prévisible. La bataille d'Aspern-Essling, en mai 1809, fut une défaite française où Napoléon commença à recourir à des soldats de plus en plus jeunes. La suite est connue.

Longtemps, j'ai admiré l'Empereur. Bien plus tard, j'ai modifié mon appréciation. L'homme fut un général exceptionnel. Et son épopée flamboyante, extraordinaire. Mais si le bilan juridique et administratif est également impressionnant, le bilan politique – la seule chose qui compte - n'est pas bon. La France a perdu beaucoup de territoires (Louisiane, Belgique, Maurice, Seychelles, îles Anglo-normandes, Ligurie...) et elle est passée à côté de beaucoup d'occasions de paix ou de reconquêtes de territoires perdus (Canada, Haïti, Brésil…).

Et, surtout, l'Empire a perpétué, ou même accru, le climat de guerre civile permanente et les causes de multiplication de coups d'État et de révolutions qui ont commencé en France en 1791, confrontant, sur plus d'un siècle, royalistes, républicains et bonapartistes. Puis la gauche et la droite. Ce qui fait de nous un pays particulièrement passionnel. Napoléon puis Hitler ont voulu tailler dans l'Europe puis la recoudre à leur guise. À présent, la Commission européenne poursuit, par des moyens moins violents mais plus sournois, un projet tout aussi erroné et contre-productif. Un projet qui échouera lui aussi car il oublie les peuples d'Europe.

Henri Temple
Henri Temple
Essayiste, chroniqueur, ex-Professeur de droit économique, expert international

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