Au lendemain de l’élection de Laurent Wauquiez à la tête des Républicains, Nadine Morano a réagi au micro de Boulevard Voltaire. Toute encore dans l’euphorie d’une victoire incontestable, on ne peut pas dire que la députée européenne a boudé son plaisir. L’optimisme des grands jours flottait au grand pavois. Ainsi, à la question "Les Républicains peuvent-ils gagner seuls ?", l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy répond : "Nous n’avons pas besoin du Front national qui, je pense, peut fermer boutique." Un optimisme qui, certes, force le respect, mais n’est pas sans rappeler le slogan de Paul Reynaud en 1939 : "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts."

En écoutant cette interview, on se pose une question : où était donc Mme Morano les 23 avril et 18 juin derniers lorsque le candidat de sa formation politique est resté sur le carreau et qu’un troupeau de 300 députés LREM est entré à l’Assemblée nationale ? Sur - ou dans - la lune, ou bien encore cloîtrée au fond d’un couvent coupé du monde ? On a un peu le sentiment que la Touloise n’a pas réalisé le phénomène qui s’est produit en France en ce printemps 2017 : le centre a emporté les élections. Comme l’ont dit certains commentateurs : Giscard en rêvait, Macron l’a fait. C’est, du reste, pour cela que la formule, consacrée par trente ans d’immobilisme, « la droite et le centre » n’a plus aucun sens. En a-t-il jamais eu ?

On se demande même si le logiciel de Mme Morano n’est pas resté bloqué en 2007. La réponse ? Elle nous la donne elle-même : "Quand nous avons gagné les élections présidentielles en 2007, nous l’avons fait sur la force de nos propositions et de notre ligne politique. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas refaire la même chose." Elle ne voit pas pourquoi. C’est bien ça, elle devait être ailleurs. Ou alors, elle ne peut ou ne veut comprendre. "Refaire la même chose." Qu’est-ce à dire ? Pêcher à la ligne politique dure l’électeur FN et puis, une fois élu, aller taquiner le gardon en ne faisant rien. Pire que rien, au contraire, en ouvrant le pays à une immigration débridée, dépassant les chiffres de la période Jospin, en faisant des concessions toujours plus grandes à l’islamisme ? Refaire la même chose avec qui ? Avec les centristes, les libéraux qui, par paquets de dix, rejoignent la Macronie ?

Au-delà de ces déclarations qui, il faut bien le dire, relèvent plus de l’incantation de bon aloi que de l’analyse politique fine, un argument, que l’on a déjà entendu, pour dissuader l’électeur de droite d’aller voir du côté du Front national a été réutilisé par Mme Morano dans cette interview. C’est celui-ci : "Le Front national n’apporte pas de programme économique crédible." Outre le fait que l’on peut toujours discuter de la crédibilité d’un programme économique - ceux qui gouvernent la France depuis trente ans en connaissent un rayon -, il faut lire en creux cette phrase. Ne signifie-t-elle pas que, sur tout le reste, le Front national serait crédible ? En tout cas, que les idées que défend cette formation politique - notamment sur les questions de sécurité, sur la défense de notre identité - sont peut-être crédibles. Elles le sont forcément un peu, puisque c’est celles que défendent – au moins en parole - des personnes comme M. Wauquiez ou Mme Morano !

Et c’est là qu’on peut se poser la question de la sincérité des « élans identitaires et civilisationnels » de certains. Si les questions de civilisation (le « pourquoi » de la politique) sont plus importantes que les questions économiques (une partie - seulement - du « comment »), cet argument de rejet du Front national ne tient pas debout. M. Macron a de beaux jours devant lui et peut dire merci à Mme Morano.

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13 décembre 2017 à 17:06

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