Mayotte : la remigration va-t-elle (enfin) commencer ?

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Le coup d’envoi de la fameuse opération Wuambushu devrait être donné sous peu. L’objectif est clair : « Nous allons détruire l’écosystème de ces bandes criminelles, qui utilisent les migrants, et mettre fin aux complicités qui existent au sein même du territoire mahorais », a déclaré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dans les colonnes du Figaro. Cette opération portée par le locataire de la Place Beauvau, validée en Conseil de défense par le chef de l’État, a donc pour objectif de soulager un département qui connaît déjà une grande pauvreté et ploie sous le poids insupportable d’une immigration comorienne violente et en surnombre. L’opération qui devrait débuter dans les tout prochains jours est soutenue non seulement par les élus locaux, mais aussi par l’immense majorité de la population. « Mayotte, c'est une île de 374 km2, c'est 400.000 habitants et c'est environ 60 % de la population qui y réside qui est d'origine étrangère », rappelle, ce vendredi matin, le député mahorais Mansour Kamardine sur les ondes d'Europe 1.

L’opération Wuambushu a trois objectifs, d’après l’Intérieur : déloger les clandestins des bidonvilles et les reloger, reconduire 10.000 clandestins à la frontière (aux Comores, donc) et débusquer les criminels et délinquants qui font régner le chaos à Mayotte. « C’est sans doute le dernier le plus important », note l'eurodéputé RN André Rougé. Le référent des Outre-mer dans le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen pointe « le coup d’épée dans l’eau » que représentent les deux premiers objectifs, qui n’apporteront qu’une éphémère « bulle d’air » aux Mahorais. D'une certaine façon, ce n’est pas Gérald Darmanin qui le contredira, puisque ce dernier, vendredi matin, sur France Info, a martelé que « la priorité, c'est l'arrestation des bandes criminelles qui terrorisent les Français ». Un objectif louable pour un ministre de l’Intérieur qui porte un lourd bilan, avec une insécurité record en 2022 et des actes qui peinent à suivre les mots. Le criminologue Xavier Raufer est en tout cas des plus pessimistes : « Tout se déroulera sur les réseaux sociaux, je crains que rien n’advienne réellement dans le monde réel. » Et le spécialiste de la sécurité de prendre en exemple l’opération estivale contre les rodéos urbains. « Regardez Grenoble et les reste de l’actualité, les rodéos urbains continuent », soupire l’expert qui pointe une énième « opération communication ».

Le risque de l’impuissance

Si l’antenne locale du Syndicat de la magistrature, la CIMADE et la Ligue des droits de l’homme ont d’ores et déjà condamné l’opération, cette dernière risque de se frotter à une double difficulté : l’oeil paralysant de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) mais également, concernant l’expulsion de 10.000 clandestins, le refus des Comores d’accueillir leurs ressortissants expulsés. Le président de l’archipel a d’ailleurs longuement vilipendé la France, faisant écho aux propos tenus en 2019 sur RFI où il déclarait qu’il ne reconnaissait pas la préfecture de Mayotte. Une attitude logique lorsqu’on sait que les Comores revendiquent la souveraineté sur Mayotte. Azali Assoumani avait, à l’époque, déclaré : « Pour nous, Mayotte est comorienne, pour la communauté internationale et pour le droit international aussi. Il est impossible que moi, j'accepte que quelqu’un [un Comorien] qui est à Mayotte soit rapatrié dans un autre pays. » Ces propos tenus en 2019 risquent bien de refaire surface tandis que la France essaye tant bien que mal de garantir aux Mahorais le droit de le rester. « Darmanin a mis la barre à 10.000, il faudrait la mettre à 100.000, soupire André Rougé, sans quoi, tout cela risque de ne pas servir à grand-chose. »

Un gain politique de Darmanin ?

Très cyniquement, l’intérêt politique d’une telle opération aurait dû servir à faire passer la loi Immigration qu’auraient dû porter Gérald Darmanin et Olivier Dussopt mais qui a été renvoyée aux calendes grecques. L’opération a bel et bien été maintenue, néanmoins. « Ils auraient dû la renommer Opération Darmanin 2027 », grince un député de l’opposition. Coup de communication ou non, Mayotte étouffe de cette immigration comorienne incontrôlée dont le président est le premier à dire que les Comoriens sont chez eux à Mayotte… C’est d’ailleurs cela aussi, l’information qui gêne aux entournures : même le président des Comores s’essuie les pieds sur notre diplomatie.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

41 commentaires

  1. La première journée de cette opération a de quoi laisser sceptique: derrière ses annonces, la montagne pourrait bien accoucher d’une souris: quelques interpellations, caillassages (on dirait une manif. en métropole), le président comorien qui refuse de reprendre ses compatriotes (ça promet pour le Maroc et l’Algérie, qui sans doute regardent avec attention), des contrôles d’identité (ça, tout plein).

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