En Marche ! ou la « Fête de la Fédération »

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Le 14 juillet 1790, la foule parisienne célébrait l’anniversaire de la prise de la Bastille sur le Champ-de-Mars, une date aujourd’hui connue comme ayant été la "Fête de la Fédération". L’enthousiasme révolutionnaire était alors à son comble, porté par un sentiment de communion collective qui devait annoncer une nouvelle France, expurgée des inégalités civiques et des antagonismes meurtriers. Charles-Élie de Ferrières commenta ainsi ce jour : "C’était un spectacle digne de l’observation philosophique que cette foule d’hommes venus des parties les plus opposées de la France, entraînés par l’impulsion du caractère national, bannissant tout souvenir du passé, toute idée du présent, toute crainte de l’avenir, se livrant à une délicieuse insouciance." Un peu plus de trois ans après, la France sombrait dans le chaos de la Terreur.

Avons-nous assisté à une Fête de la Fédération 2.0 ? Emmanuel Macron est désormais fort d’une majorité absolue, avec 361 élus de La République en marche et du MoDem qui appuieront une politique menée tambour battant, à l’aide d’ordonnances. Certes, les sondeurs donnaient plus de 400 députés au gouvernement d’Édouard Philippe. Certes, Emmanuel Macron n’aura pas la majorité des trois cinquièmes au Congrès, si d’aventure il était tenté de réviser la Constitution. Reste qu’il s’agit bien d’une victoire écrasante que personne, ou presque, ne pouvait imaginer il y a tout juste un an. Une victoire assombrie par une abstention record dans l’histoire de la Ve République (56,6 %) qui donne à notre pays des airs de démocratie censitaire.

La désaffection des Français pour ce scrutin illustre un dégoût généralisé pour la chose politique et ceux qui en ont fait profession, qui n’épargne d’ailleurs aucun mouvement ou formation. Les acteurs de la vie de la Cité sont démonétisés et auront le plus grand mal à ramener les Français vers les urnes, tant des blocs sociologiques importants de la population semblent ne plus se retrouver dans les offres qui leur sont proposées. Il y aura toujours une masse critique d’abstentionnistes, devrais-je dire d’abstinents, n’ayant que peu d’attrait pour la chose publique et, of course, de personnes qui ne se sentiront pas représentées par un second tour sans un candidat proche de leurs idées, a fortiori dans le cadre quadripartite inédit né de la dernière élection présidentielle. Toutefois, nous aurions tort de sous-estimer le vent "dégagiste" qui souffle sur le pays, car il n’est pas près de s’arrêter. Il faut apporter de la respiration démocratique en injectant une part mesurée de proportionnelle au mode de scrutin.

Au-delà de ce constat préliminaire, que peut-on retenir du nouveau visage que présentera l’Assemblée nationale pendant cinq ans ?

Les Républicains s’en sortent mieux que prévu avec 126 députés, majoritairement issus des rangs de la droite dite « modérée ». Une reconfiguration n’est donc pas à prévoir. La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon devrait pouvoir former un groupe sans des communistes tenaces, pouvant se vanter de l’élection de 10 élus, soit deux de plus que le Front national et ses alliés ! Avec 46 députés, le Parti socialiste survivra misérablement, réduit à sa portion congrue, largement cannibalisé par l’ovni-Président.

En plaçant sept députés, total auquel il faudrait ajouter Emmanuelle Ménard, candidate soutenue par le parti, le Front national quadruple son score de 2012, en dépit d’un premier tour qui aurait pu laisser présager une moindre réussite. Deux éléments pour comprendre : donnés battus, Louis Aliot et Gilbert Collard ont gagné sur le fil grâce à leur enracinement électoral, à leurs personnalités propres, à leur notoriété et à des campagnes ouvertement à droite ; avec cinq élus dans le bassin minier du nord de la France, le Front national accentue aussi son ancrage territorial dans une région de l’ancienne économie, fortement désindustrialisée. Est-ce à dire que ce parti a vocation à se "glocaliser" ? L’avenir nous le dira, mais ce n'est pas à exclure.

Preuve des difficultés rencontrées par l’État-nation, forgé par Napoléon Bonaparte : la Corse envoie trois députés nationalistes à l’Assemblée. Autre exemple de l’atomisation de la France en multiples communautés concurrentes : Manuel Valls, pourtant ancien Premier ministre, a eu toutes les peines du monde à l’emporter dans son fief d’Évry, concurrencé par une "Insoumise", Farida Amrani de son nom, soutenue par le gratin des fanatiques du gauchisme culturel, Indigènes de la République compris, et des islamistes comme Idriss Sihamedi, président de l’association BarakaCity visé dans une enquête pour financement du terrorisme… Hier soir, les partisans de Farida Amrani manifestaient bruyamment en pleine mairie d’Évry, allant jusqu’à s’opposer physiquement aux forces de l’ordre pour contester les résultats de l’élection. Inquiétant…

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