Macron recadre ses ministres : une vraie-fausse cacophonie gouvernementale

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À en croire Le Parisien, Emmanuel Macron aurait poussé « un vrai coup de gueule » sur les ministres de son gouvernement qui ont commenté jusqu’à plus soif l’actualité nourrie de ces derniers jours : « Vous êtes ministres, pas éditorialistes », aurait-il lancé à son équipe. Parmi les sujets qui auraient suscité l’ire jupitérienne, il y aurait la question du voile porté par une candidate LREM sur une affiche de campagne et la pétition lancée par 297 députés, dont une majorité du parti présidentiel, pour remettre dans le programme gouvernemental et législatif le projet de loi sur l’euthanasie. Deux sujets effectivement hautement sensibles. Poser sur une affiche de campagne officielle avec le voile islamique, vêtement éminemment politique, a tout de la provocation identitaire. Surtout au moment des discussions sur la loi sur le séparatisme dont le gouvernement entendait se servir pour « racoler » électoralement à droite.

Et remettre sur le tapis le sujet de l’euthanasie, après un an de pandémie où le pays s’est arrêté de vivre pour préserver la vie des plus fragiles, en l’occurrence les personnes âgées, ça fait un peu désordre. Dans une tribune publiée sur FigaroVox, le politologue Arnaud Benedetti explique, d’ailleurs, qu’Emmanuel Macron tient de plus en plus mal ses troupes : LREM, mouvement fourre-tout, ne s’est pas constitué sur un projet idéologique, un socle commun d’idées et de propositions, mais exclusivement autour de la personne d’Emmanuel Macron. Quatre ans plus tard, « faute de colonne vertébrale, puisque tout dans le macronisme relève d'abord d'un usage, parfois au doigt mouillé, du marketing, l'ubiquité idéologique est la règle, la conviction une exception indexée sur les circonstances... et le flair, plus ou moins inspiré, du leader ».

D’où cette cacophonie gouvernementale et ce récit du Parisien sur le recadrage fait par Emmanuel Macron au Conseil des ministres.

En même temps, on ne peut s’empêcher de se demander si cette admonestation présidentielle, dont quelques détails ont opportunément fuité dans la presse, est bien sincère. Ou alors elle ne s’adressait visiblement pas à tous les ministres.

En effet, si le président de la République a prié ses ministres de se recentrer sur leurs charges, pourquoi cinq membres du gouvernement se retrouvent-ils sur la liste LREM des Hauts-de-France pour les élections régionales ? Et ce ne sont pas des ministres « mineurs » qui vont faire campagne et battre le pavé, haranguer les marchés, truster les plateaux de télé et délaisser les ors et les charges des palais ministériels. Rien moins que le garde des Sceaux, le ministre de l’Intérieur, mais aussi de l’Industrie, des PME, des retraites, bref, tous ceux qui sont en charge des dossiers brûlants de cette fin de quinquennat. Clairement, Emmanuel Macron, tout à sa vision solipsiste de l’exercice du pouvoir, entend mettre ses fidèles à contribution pour le grand duel de 2022 et faire des prochaines élections une répétition générale. Les petits arrangements électoraux entre amis qui ont secoué le tout petit microcosme politique et écœuré les futurs électeurs ont eu le mérite de lever le coin du voile : les principales figures de l’exécutif ne sont pas en poste pour servir le pays et œuvrer au bien commun, ni même à l’intérêt général, mais pour servir l’ambition d’un seul homme.

Tout cela sent la fin de règne : La République en marche, par ses origines et sa nature intrinsèque, renferme le poison qui causera sa perte.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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