L’orthographe et la grammaire en péril : que fait le gouvernement ?

Le Figaro publie l'entretien d'un professeur de droit, Aude Denizot, qui dans son livre Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? s'alarme du niveau des étudiants français, au point qu'elle a dû imposer des cours d'orthographe à l'université. Elle montre notamment comment l'usage abusif des photocopies à l'école, au détriment de la copie manuscrite, est responsable de ce déclin.

Il ne s'agit pas de stigmatiser les étudiants qui, trop nombreux, manifestent leurs lacunes en orthographe et en grammaire, mais de s'interroger sur les causes de cette situation. On peut certes mettre en cause les nouvelles technologies qui ne sont pas à cheval sur l'orthographe – il suffit de lire les bandeaux d'information sur les écrans des chaînes de télévision –, mais force est de constater que c'est l'école qui ne tient plus son rôle.

On peut regretter que tous les professeurs des écoles, malgré l'exigence d'un master pour se présenter aux concours de recrutement, n'aient pas toujours une bonne maîtrise de la langue française. De nouvelles épreuves ont bien été introduites en 2022, l'une portant sur le français, où il est précisé que « le jury tiendra compte de la maîtrise de la langue française du candidat (vocabulaire, grammaire, conjugaison, ponctuation, orthographe) » et qu'« une note globale égale ou inférieure à 5 est éliminatoire », mais cette apparente sévérité est toute relative.

Ce qu'il faut incriminer surtout, c'est une mode pédagogique, que les prétendus experts en sciences de l'éducation ont contribué à lancer et qui est un héritage de Mai 68 : il ne faut pas contraindre les élèves par des méthodes trop directives mais leur faire avant tout découvrir les savoirs par eux-mêmes. Il ne faut pas se montrer trop exigeant dans l'évaluation des élèves, les smileys et les codes couleur tendent à remplacer la notation, jugée traumatisante et discriminante. Si l'on ajoute l'absence de redoublements, l'accès de tous les élèves au collège unique, sans examen ni contrôle, on s'explique en partie la crise de l'enseignement.

On entend bien dire qu'il faut « revenir aux fondamentaux », mais cet élément de langage n'est trop souvent qu'un alibi pour rassurer l'opinion et ne rien faire de concret. Quand, en 2006, le ministre Gilles de Robien voulut donner des instructions sur l'enseignement de la grammaire, déclarant, à juste titre, que « la connaissance des règles de grammaire n'est pas une servitude [mais] un instrument de liberté », il fut copieusement critiqué et ses recommandations restèrent pratiquement lettre morte.

Il est difficile d’inverser un processus quand la machine est lancée. Pis, les enseignants qui ne se résignent pas et luttent à contre-courant, sanctionnant les fautes d'orthographe, faisant apprendre des règles par cœur, avec des exercices répétitifs, sont rappelés à l'ordre par leur hiérarchie, qui est elle-même, de gré ou de force, soumise au système dominant. Les philosophes stoïciens estimaient qu'une faute d'orthographe est aussi grave qu'un crime, car elle éloigne de la perfection. De nos jours, on est bien loin de leur conception : l'orthographe est considérée comme un luxe inutile.

Les autorités publiques ne semblent guère s'en émouvoir. Peut-être se disent-elles que des citoyens qui ne maîtrisent pas la langue française sont moins aptes à penser mais plus faciles à gouverner et qu'ils fourniront suffisamment d'exécutants dociles pour les besognes auxquelles on les destine : l'école publique, toute médiocre qu'elle est, sera toujours assez bonne pour les enfants des autres. Il serait intéressant de savoir dans quels établissements sont scolarisés les enfants de ministres...

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

105 commentaires

  1. Avec des profs nommés avec 4% de réussite à leurs examens, il n’y a rien de surprenant aux résultats. Tout cela est parfaitement voulu et ce n’est pas d’hier!.

  2. Au début de ma carrière professionnelle (1964), certains de mes collègues pouvaient me donner des leçons d’orthographe et/ou de grammaire, alors que je n’étais pourtant pas mauvais dans le domaine.
    Vers la fin de ma carrière (2005), j’aurais pu être le correcteur de textes (notes, rapports, décisions,…) de toute la hiérarchie de mon entourage professionnel, directeurs compris, et je n’en tire aucune gloriole, au contraire, hélas!

  3. Ne posez même pas cette question au gouvernement actuel ; cela ne l’intéresse pas, la seule chose qui l’intéresse c’est la destruction de l’idée que nous nous faisons de la France,
    et pour cela , il mise à fond sur le woke et cette culture anglo-saxonne .

  4. Que fait le gouvernement? Il fait en sorte que l’enseignement et les enseignants se mettent au niveau des entrants quasi analphabètes. Nivellement par le bas, discrimination positive. Et surtout,pas de vague. Bien aidé en cela par une armée de profs grands admirateurs de l’islamo-gauchisme.

  5. Nos anciens n’étaient pas plus malins que nous et ils écrivaient plus correctement. L’éducation est un tout et même les ouvriers agricoles savaient « s’endimancher » avec une cravate ou une jolie robe à col Claudine. Maintenant, c’est le laxisme généralisé et on ne respecte plus rien. Le pire, c’est qu’on ne se respecte plus soi-même. Alors l’orthographe, quelle importance ! Il n’y a pas de secret : faire des dictées et les corriger. Un été, ma grand’mère m’a dicté tout le Robinson Suisse !

    • Et oui, comme vous le dites bien : qui a remarqué que, en courses au supermarché, tout le monde, de 14 à 92 ans est en savates/baskets ; djean crado tombant ou survêt non lavé depuis des semaines pour les hommes ; pyjama/caleçon cul moulé flasque à l’air pour les  » dames  » même les très vieilles ( les jeunettes en nuisettes) ! Mince alors ! Les miroirs ont disparu des domiciles ? Tout à l’avenant….

  6. J’ai fait mes années d’école primaire dans les années 60, dans un village rural, sous la coupe d’un couple d’instituteurs.
    Je puis témoigner que l’enseignement n’était pas ludique et que je préférais largement les vacances à l’école.
    Pourtant, chaque jour je me dis que je dois tout à ces deux personnes qui ont su tirer le meilleur de moi-même.
    Mon plus grand regret est de ne pas leur avoir dit quand il était encore temps…

  7. Les entreprises vont bientôt devoir faire faire une dictée au demandeur d’emploi avant de l’embaucher car il est désagréable de voir, par exemple, un commercial faire des fautes lors de la rédaction d’un bon de commande ou d’explications sur les produits proposés, dans le cas présent on se dit que si le produit est aussi mauvais que le vendeur il vaut mieux chercher ailleurs d’où l’importance de l’écriture.

    • Oui, mais cela ne vaudra que tant que les DRH seront issus de générations ayant appris à lire, écrire et compter seront encore en poste. Imaginez-vous le futur avec des recruteurs ayant « obtenu » leur bac depuis 10 ans…

  8. La copie que les pédagogistes critiquent comme la « science des ânes » est un exercice indispensable auquel il faudrait habituer les élèves très tôt. Elle oblige à discriminer les lettres et les syllabes et cultive la mémoire. Petit à petit, l’enfant passe du lettre à lettre à la mémoire des mots, puis des groupes de mots et enfin, des phrases. Il convient de cultiver la mémoire visuelle et auditive, en invitant l’enfant à « se dire dans sa tête » ce qu’il voit. C’est extrêmement efficace.

    • A Dom 17 : Eh bien voilà un « processus » pédagogique qui avait fait ses preuves … CF aussi le commentaire de « Vivicret »

    • vous avez raison, par ailleurs  » dessiner » une lettre, permet de développer son aptitude graphique – quand je vois les écritures des jeunes d’aujourd’hui… ce sont des graphismes déséquilibrés, laids, souvent illisibles y compris par eux même !

    • Ce que vous décrivez est totalement absurde pour quelqu’un comme moi dyslexique, dyspraxique et dysorthographique, je n’ai aucune mémoire visuelle. Pourtant malgré ces handicaps je n’ai jamais eu de problème de lecture grâce au vocabulaire . Pour le reste je me suis  » soignée » en devenant institutrice et en comprenant ces problèmes.

  9. C’est le retour de « la Tour de Babel » version Bible (chacun parle sa propre langue et le référentiel commun disparait). Comme pour Sodome et Gomorre, l’humanité oublie ….. et retombe dans les travers.

    • En qualité de polyglotte « assumé », je m’inscris en faux contre une telle assertion. Si les Français maîtrisaient deux ou trois langues étrangères en plus de leur parler gaulois, la cohésion nationale et européenne aurait un tout autre aspect.

  10. Rien de nouveau sous le soleil : les détenteurs d’un Certificat d’études à l’ancienne écrivaient mieux qu’un bachelier du 21e siècle. Tout se tient : relâchement de l’éducation parentale, relâchement des règles sociétales, relâchement des règles scolaires. Nous ne faisons qu’entrevoir le début de cette fameuse société nouvelle sans ligne directrice, sauf peut-être celle de la finance. En attendant, pas de classement Pisa pour l’orthographe, heureusement pour notre fierté…

    • Sans oublier la volonté de déconnection des parents vis à vis de l’enseignement avec changement de tout le vocabulaire, notamment en mathématique, où l’on ne parle plus de parallèles mais d’images et tant d’autres termes pour dérouter les parents qui ne sont pas eux-mêmes enseignants. D’où l’appellation d’Education Nationale alors que ce devrait être Enseignement ou Instruction Nationale. C’est tout une philosophie de pseudo-psy dévoyés et tordus par la politique.

    • Il faudrait ajouterait également l’absence d’entraînement au raisonnement. La géométrie était un excellent moteur pour apprendre à déduire et raisonner.

    • Depuis que  » les professeurs des écoles  » ont remplacé les instituteurs, la dictée est devenue ringarde, stupide, tout comme apprendre par coeur les règles de grammaire et autres. Quand la mémoire de l’ordinateur est préférée à la mémoire humaine qu’il faut entraîner, il ne faut pas s’étonner de ce terrible déclassement !

  11. Quand on sait que même certains profs des écoles font des fautes d’orthographe, comment voulez vous qu’on s en sorte ? Aujourd’hui, tout ce qu on entend d’eux c’est qu’il faut de la » bienveillance « . Rien d’autre ne compte. On n’apprend plus rien. Et il ne faut pas compter sur le nouveau ministre de l’EN pour changer ça. L’illettrisme, un outil de plus pour l’effacement de notre pays.

    • Mais pas que les Profs, les journalistes qui confondent par écrit le « CE » démonstratif et le « SE » possessif. Et combien sont-ils à dire « en moto », « en vélo » etc alors que c’est « à moto », « à vélo » comme à cheval mais en voiture etc ?

    • « à l’effacement » ; plutôt à l’asservissement, car plus tu es incapable de lire (donc de t’informer), de raisonner (donc de comprendre ) plus tu es à la merci de ton maître.

  12. J’ai enseigné 35 ans, aux élèves qui me disaient que les fautes n’ont pas d’importance, je leur disais qu’elles changent parfois le sens et leur présentais cette liste : saut, sot, sceau, Sceaux, seau. Et aussi : terre inconnue – terrain connu. Effet garanti !

  13. On n’en sortira jamais tant qu’il y aura des « penseurs universitaires de gauche » à la tête de l’E.N. Un grand coup de balai s’impose.
    1) Il faut revenir à l’ancienne méthode par l’apprentissage dès le plus jeune âge, dès que l’enfant est en position de lire.
    2) Il faut remettre en place l’étude du soir, après les cours, où les enfants font leurs devoirs du jour, encadrés par l’instituteur, surtout pour les enfants d’immigrés dont les parents n’utilisent que leur langue d’origine à la maison.

    • La langue parlée à la maison était le dialecte suisse-alémanique, langue d’origine de notre mère. Cela ne nous a pas empêchés d’apprendre, de parler et d’écrire un français correct. Comme nous devons le faire avec les autres langues étrangères que nous pratiquons : allemand, néerlandais, espagnol, italien… L’un des handicaps majeurs de la France est son monolinguisme constitutionnel.

    • Instituteurs, devoirs du jour, étude du soir…. tout ça, c’était avant….. Quand tout marchait bien, avec bon sens, pragmatisme et sens des valeurs. Que reste-t-il aujourd’hui dans une société qui inverse les valeurs et ruine ses fondamentaux ?

  14. Certains ont même prétendu que les fautes sont créatives… D’ignorance et de bêtise !

  15. Les enfants des ministres et autres bons bourgeois ne vont qu’a l’école privée et catholique cette engeance la ne se fréquentant qu’entre eux et n’auraient pas l’idée de les envoyer à l’école de jules Ferry ( un socialiste comme eux ) mais pour les enfants des Gueux c’est mieux, chez les Cathos pas de mélange surtout pas. Ce sont des socialoscommunistes qui crachent a longueur d’années sur les catholiques mais trouvent chez ces derniers le bon cotés pour leurs enfants chéris plus Hypocrites

    • Un peu excessif comme jugement. La fracture n’est-elle pas entre la rigueur et l’effort, pendant de la médiocrité et du laxisme qui sévit dans tout ce qui est républicain ?

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