Loi d’urgence sanitaire : l’entente malgré tout ?

soignants suspendus antivax

La majorité a eu chaud et peut mesure d’emblée sa marge de manœuvre. Après des discours électriques inhérents à la motion de censure déposée par la NUPES contre le gouvernement d’Élisabeth Borne, discours qui a vu les fleurets se démoucheter et l’affrontement tant attendu survenir enfin, les 577 députés se sont penchés sur l’examen du projet de loi de sécurité sanitaire.

Deux motions, deux ambiances...

En préambule, les députés devaient s’exprimer sur la motion de rejet déposée par la NUPES. Contrairement à la motion de censure qui avait laissé l’ultra-gauche seule malgré le soutien à la marge de Nicolas Dupont-Aignan, cette nouvelle motion de rejet a cette fois suscité le soutien du Rassemblement national. Pourquoi un tel revirement ? « Les deux textes n’ont rien à voir. La motion n’avait pas d’autre intérêt que de faire le buzz. La situation est beaucoup trop grave pour faire du buzz », réagit, par téléphone, la députée RN de la Gironde Edwige Diaz. « Si elle avait abouti, nous aurions perdu du temps, tout cela pour passer de Mme Borne à Mme Borne, d’autant que nos collègues de gauche n’avaient aucune alternative à proposer. » Pas le même sujet pour le RN, donc, qui a vu dans cette proposition de motion de rejet une occasion de tenir les promesses faites aux Français.

« Nous voterons favorablement cette motion de rejet préalable, en effet […] il y a des soignants que vous refusez ce soir de réintégrer, ils sont à bout et l’hôpital craque », justifie le député RN du Loiret Thomas Ménagé dans l’Hémicycle. Outre le passe, c’est évidemment cette question de la réintégration des soignants non vaccinés qui provoque le fait que « les extrêmes se rejoignent », pour reprendre le verbatim en vogue en Macronie. « L’article 40 ne doit pas empêcher la réintégration des personnels soignants non vaccinés », réagit, de son côté, l’Insoumis Éric Coquerel. En bref, malgré leur refus de soutenir non « une motion de censure mais une motion d’imposture », comme l’a déclaré le jeune député RN de la Moselle Alexandre Loubet, le RN et la gauche de la gauche font front commun contre ce projet de loi sanitaire. Une occasion, pour la majorité, de couper court aux accusations de la NUPES d’être les alliés objectifs du RN.

Le sort des soignants

Estimés à 15.000 fin 2021, ils seraient maintenant entre 4 et 5.000, d’après la Fédération hospitalière de France. Suspendus et sans revenus, ces milliers de travailleurs de la santé ont les yeux braqués sur l’Assemblée et espèrent encore un revirement. S’ils ne représentent qu’environ 0,3 % du corps hospitalier, ils incarnent un enjeu politique et font s’entrechoquer deux visions radicalement opposées de la société civile. Le tout sanitaire face aux libertés individuelles. L’opposition entre la responsabilité individuelle et le coercitif.

Les LR en soutien du gouvernement, les écolos désertent !

Quoi qu’il en soit, avec 192 voix contre l’adoption de cette motion de rejet et 172 pour, on touche du doigt la fragilité de la majorité, et la chambre d’enregistrement que fut l’Hémicycle durant les cinq dernières années se mue en théâtre de guerre de tranchées. Il aura fallu le barrage des LR pour faire basculer le vote en faveur de la majorité. Une position politique qui rend service à la majorité et qui permet au groupe de la droite classique de ne pas être rejeté dans le groupe « des extrêmes qui se rejoignent ». Une position qui met toutefois à mal leur statut de groupe d’opposition. « Ils sont responsables de leurs votes et les Français jugeront », réagit, par téléphone, Christophe Bentz, député RN de Haute-Marne. Surprise, aussi, du côté des écologistes, pourtant membres de la NUPES. Sur 23 membres, 22 n’étaient pas présents au vote. Seul le député Karim Ben Cheikh était présent et a soutenu la motion de ses collègues NUPES.

Ce projet de loi qui fera l’objet de débats qui risquent de durer jusque tard dans la soirée a été, en quelque sorte, le galop d’essai de cet Hémicycle, présidé pour l’occasion par le vice-président Sébastien Chenu. Une symbolique qui a ému sur les réseaux sociaux : « En ce moment, l'Assemblée nationale tient sa première séance présidée par un fasciste. Comment en est-on arrivés là... », s’est ému, sur Twitter, François Malaussena, conseiller à l’Assemblée. « Je ne m'y habituerai jamais », déplore la journaliste Nassira El Moaddem. Au gouvernement, il va en tout cas falloir s’y faire, composer, recomposer, passer en force ou dissoudre. Le palais Bourbon se mine et la démocratie a meilleure mine.

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Marc Eynaud
Journaliste à BV

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