L’obligation des gardes pour les médecins de ville : une fausse bonne solution pour résoudre le problème des soins non programmés

Lors de l'ouverture du salon « Santé Expo », le 17 mai à Paris, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), devant la situation désastreuse dans laquelle se trouve l'hôpital public pour répondre aux urgences, a estimé qu'il fallait rétablir l'obligation de gardes pour les médecins de ville afin de pallier la carence des services hospitaliers. Une proposition qui n'a pas manqué de faire réagir tous les syndicats de médecins libéraux qui n'ont pas apprécié qu'un administrateur de la fonction hospitalière vienne leur donner des consignes.

Ces propos ont été d'autant plus mal accueillis qu'ils traduisent une méconnaissance de la globalité du problème des soins non programmés et un certain mépris pour la médecine de ville qui, tout comme pour les administrateurs du ministère, n’est destinée qu’à traiter des pathologies mineures ou à être au service des autorités hospitalières.

Le problème de ce que l'on appelle les urgences, pour simplifier les choses, mais qui est en fait le problème des soins non programmés, est plus à considérer comme un problème de société lié à l'évolution des mœurs (je veux tout, tout de suite !) et à l'évolution de la pratique médicale, tant sur le plan technique que démographique, que comme un problème corporatiste opposant les médecins libéraux aux médecins hospitaliers.

Vouloir rétablir un système de garde obligatoire pour les médecins de ville peut apparaître a priori une solution pour éviter que les malades n’encombrent les services d'urgence hospitaliers pour des pathologies qui pourraient être traitées en ville et qui ne nécessitent pas obligatoirement une hospitalisation. Cela permettrait aux autorités hospitalières de pouvoir faire fonctionner leurs services avec un nombre réduit de personnel et de lits, car le problème de l'hôpital public dans le domaine des urgences, comme dans les autres services d'ailleurs, est celui plus général du manque de lits et du manque de personnel, ce qui entraîne des fermetures durant l'été afin de pouvoir accorder des congés au soignants sans avoir à les remplacer.

Mais croire que des gardes obligatoires imposées aux praticiens de ville résoudraient le problème procède d’une vision simpliste de l’environnement médical et sociétal.

Nous ne pourrons pas revenir en arrière.

Avec le numerus clausus qui a réduit de manière drastique le nombre de médecins, nombreux sont les malades sans médecin traitant qui, lors d'une affection aiguë, ont recours à des services de dépannage comme SOS Médecins ou aux services d'urgence hospitaliers. De plus, le nombre réduit de jeunes médecins et la féminisation de la profession ont entraîné des modes d'exercice différents de ceux de leurs confrères plus âgés qui, effectivement, prenaient des gardes en ville en plus de leur travail en cabinet. Ajoutons à cela que les malades sont devenus plus exigeants et qu'ils veulent pouvoir obtenir rapidement une solution à un problème de santé imprévu ; il y a quelques années, ils auraient sans doute attendu 24 ou 48 heures pour pouvoir consulter leur médecin traitant.

Mais ce temps-là est révolu et il faut pouvoir donner une réponse rapide à ce que l'on appelle maintenant les soins non programmés qui encombrent les services hospitaliers d'urgence, mais que l'obligation de garde pour les médecins libéraux ne résoudra pas. Seule l'ouverture en ville de centres de consultation affectés à ce type de pathologie (médecine de dépannage) pourra résoudre ce problème de manière efficace.

Encore faudrait-il qu’il existe une volonté politique pour favoriser la mise en place de telles structures.

Dr. Jacques Michel Lacroix
Dr. Jacques Michel Lacroix
Médecin - Médecin urgentiste et généraliste

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Ma mère âgée de 90 ans ne se sentant pas bien a appelée son médecin. Il est en Week end prolongé!!! pas de remplaçant; donc direction les urgences.

  2. La réduction du nombre de médecin, telle que voulue par tous les gouvernements successifs depuis 1970 est une catastrophe à l’inertie lente.
    Le numérus clausus n’est d’ailleurs pas le problème. Numérus clausus ou pas, combien de médecin en activité?
    En dépouillant certains pays de l’est ou d’Afrique à notre profit, nous altérons leur sécurité.
    De notre coté, nous compensons partiellement notre déficit mais au prix d’une immigration supplémentaire et d’une qualité de soins aléatoire.

    • Il existe une réponse à ces problèmes: Une véritable politique de santé publique!
      Interpellons nos élus afin qu’ils exigent en notre nom la fin des déserts médicaux,des incitations financières pour que de jeunes médecins acceptent de s’installer en milieu rural.
      Des maisons de Santé existent déjà en divers départements,on y trouve des généralistes,des cabinets d’infirmières et divers spécialistes,les patients n’ont pas trop de kms à parcourir, ce système devrait se généraliser.

  3. Ce qui semble révolu c’est la médecine de ville tuée par les médecins eux-mêmes. L’avis sur la porte d’entrée des cabinets avertissant du refus de soigner tout nouveau patient est une honte. C’est la profession qui a organisée la pénurie. Le mieux serait de réorganiser les hôpitaux de façon qu’ils puissent traiter de la bobologie au cas le plus grave. Nous avons besoin de médecins disponibles, pas de médecins qui ne sont jamais là quand on a besoin d’eux.

    • Tout à fait d’accord, une honte cet affichage. Mais ce sont nos « responsables » politiques, tous ces élus qui ont pris ces décisions. Mais peut-être le corps médical n’a-t-il pas suffisamment réagi à temps, aussi ?

    • La pénurie n’a pas été organisée par la profession mais par les pouvoirs publics , au nom d’une idée géniale et typiquement fonctionnaire : pour réduire le déficit de la sécu il faut moins d’ordonnances , donc moins de médecins qu’on harcèle régulièrement pour justifier leurs prescriptions. Entre les tracasseries de l’administration et le manque de médecins , pas étonnant que certains saturent et refusent les nouveaux patients.
      Et les femmes sont aussi des mères !

      • La profession a forcément été d’accord. Histoire de gros sous. Quand on voit le dévouement des pompiers qui en font de plus en plus (même les ECG maintenant) pour trois francs six sous, ça ne joue pas en faveur des médecins. Quant aux femmes médecins on est typiquement dans ce que dit Zemmour sur la féminisation de certaines professions. Ce n’est pas une bonne idée. Cependant il y a quand même des femmes médecins urgentistes, des femmes pompiers.

  4. Il apparaît que le budget des hôpitaux est un des plus gros de l’ UE
    Le % des arrêts maladie, le % du personnel non soignant mais bien payé, les tonnes de paperasse et surtout la mauvaise gestion des budgets sont les vrais coupables.
    Nous trouvons ensuite les taxes et impôts qui ne constate pas l’ absence de son généraliste ( sans remplaçant ) parti en vacances. Le choix, vacances ou impôts est facile L

  5. Une volonté politique ? Nous vivons la déconstruction du service de santé, entre autres, de facto il faudrait rêver que Macron change de politique, ce qui avec Pap Ndiaye et Rima Abdul Malak aux commandes de deux ministères, montre plutôt le contraire. L’occident et la France en particulier sombre pour s’évanouir dans un système mondial cher aux gens de Davos.

  6. Article bien écrit par un médecin ! cela n’est pas étonnant pour cette corporation de gros fainéants qui travaillent guère plus de 4 j / semaine et des horaires d’enseignants le tous sur le dos de la sécu ! Pour une profession libérale ce n’est peut-être pas normal. Maladie chronique bien Française 35 h au plus, la fainéantise organisée avec beaucoup d’argent pour les loisirs et qui paye ? Et surtout ne leur demandez plus de faire leur travail. Les vétérinaires sont dans le même profil

  7. La détérioration du service public de santé et de tout autre également procède d’un calcul à long terme de soumettre et d’appauvrir le peuple de France, nous sommes dans une république en voie de sous développement.

  8. Le principe du parapluie bat son plein chez les soignants. Auparavant, il suffisant d’aller chez le pharmacien pour des bobos. Aujourd’hui ils refusent les micro soins renvoyé vers les urgences où les “victimes mineurs » embouteillent; Même pour des bobos soins ‘échardes, coupures, éclat de verres qui pourraient être effectués par de simples infirmières, oen oblige les bobovictmes à passer par une visite au médecin urgentistes. Il faut obliger et forer les pharmaciens à effectuer des soins. simpl

    • Parce que si l’écharde se transforme en panaris, le pharmacien ou l’infirmière (et le médecin aussi, mais il se défendra mieux) se retrouveront au tribunal pour un geste à 12 €. Vous le feriez, vous ?

  9. … J’ajoute que pour désengorger les services des urgences, il suffirait d’un médecin de garde à l’entrée pour « filtrer » les arrivants en refoulant vers les médecins de ville ceux, trop nombreux, qui ne nécessitant pas un séjour en hôpital.
    Mais pour cela il faut :
    1) des policiers pour protéger le médecin contre les attaques inopinées d’accompagnants de malades.
    2) que les médecins libéraux acceptent de reprendre du service de jour comme de nuit …

    Mais ça c’est une autre affaire.

  10. J’ai connu un temps (heureux) où le médecin de famille passait sans qu’on le lui demande et ce même de nuit pour visiter un enfant malade. Il était joignable jour et nuit même le dimanche. Aujourd’hui la nouvelle vague de médecins ne donnent plus leur n° de tel et ne travaillent que 3 à 4 jours par semaine de peur de trop déclarer de C A aux impôts. Voilà la réalité….

    • Le médecin de famille est mort. Le covid l’a achevé. N’oublions pas que ces ces médecins ont été payés 45 euros pour dire au téléphone : « Prenez du Doliprane et si vous sentez que vous étouffez, appelez le SAMU ». Seuls les survivants peuvent en témoigner.

    • Pas tous,en l’époque que vous citez,j’ai connu un médecin (de famille comme vous dites)qui a deux heures du matin ne s’est pas deplacé,sous pretexte avoir de la fievre,et qui le lendemain assistait a la mairie a la signature de l’acte de décés!!!

  11. Ce n’est qu’un début !
    Macron va détruire l’organisation de la santé en France.
    Tout ce qui pourra asservir les français « de rien » sera imposé.

  12. une médecine de ville pour la ville, on oublie tout ceux qui vivent à la campagne ou loin des hôpitaux.

    On a supprimer les gardes des médecins mais aussi de nombreux petits hôpitaux.
    Attendre des heures dans les couloirs est-ce normal?
    Encombrer l’hôpital pour une otite, une angine ou des maladies contagieuses est ce raisonnable?

  13.  » Seule l’ouverture en ville de centres de consultations dédiés à ce type de pathologie (médecine de dépannage) pourra résoudre ce problème de manière efficace ».
    Ami cela fait quarante ans que cette idée a germée au sein de plusieurs assemblés de confrère. Les pouvoirs publiques n’ont cessé de faire la sourde oreille.
    Maintenant que l’incendie fait des ravages pour masquer leurs incompétences mais surtout de sauver leurs fesses ils responsabilisent la médecine de ville. Covid et interdictions.

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