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Préfacé par Gabrielle Cluzel, ce livre d’entretiens avec Alain de Benoist recueillis par Nicolas Gauthier pour le compte de Boulevard Voltaire fait suite à son devancier publié en 2015 et qui se proposait, sous un titre quasiment similaire, de Survivre à la pensée unique. Autant dire que ces deux opus sont non seulement complémentaires, mais encore constituent les manifestes tutélaires de cette déjà honorable institution de presse qu’est Boulevard Voltaire, laquelle soufflera ses dix bougies l’année prochaine.

Nombreux sont ceux qui pourraient penser – à tort, disons-le tout net – qu’il n’y a décidément aucun intérêt à réchauffer des plats médiatiques devenus insipides avec le temps, l’actualité étant un produit évanescent, fragile et périssable. Après tout, ils auraient raison, suivant ce mot définitif de Péguy : « Homère est nouveau, ce matin, et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui » (Notes sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne, Les Cahiers de la Quinzaine, XV‑8, 1914, in Œuvres en prose complètes, Tome III, Éditions Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1992).

Assurément, ce serait se méprendre, ce, à plusieurs égards. D’une part, il s’agit bien moins d’un retour sur cette insignifiance événementielle, dont Alain de Benoist disait, lui-même, naguère, qu’elle n’était que « l’écume » de mouvements bien plus profonds et fondamentaux, que d’une mise en perspective et d’un éclairage intellectuel de ces soubresauts quotidiens du temps qui passe qu’on appelle trivialement « actualité ».

Conséquemment, d’autre part, puisque c’est à Alain de Benoist que nous devons l’architecture de ces réflexions historiques et philosophiques, le lecteur peut, sans crainte, se plonger avec profit dans un tel ouvrage qui prend valeur de manuel d’apprentissage critique, à l’heure où le politiquement correct militant se pare éhontément des atours mensongers du journalisme objectif, neutre et impartial. Enfin, reconnaissons que le résultat ne serait sans doute pas ce qu’il est sans l’habile maïeutique de cet esprit libre, irrévérencieux et curieux qu’est Nicolas Gauthier.

Couvrant une période allant d’octobre 2015 à mars 2021, Alain de Benoist, avec l’intelligence acérée qu’on lui connaît, s’efforce de dissocier le bon grain des permanences et des tendances lourdes de l’ivraie contingente des modes et futilités médiatico-journalistiques. Ainsi, par exemple, à propos du conflit israélo-palestinien, affirmait-il en 2018 qu’il ne prendrait jamais fin pour des raisons d’ordre métaphysique : « Les conflits métaphysiques ne sont pas négociables. Ils ne peuvent faire l’objet d’un compromis, parce que le Bien ne peut pas faire de compromis avec le Mal. » Frappé au coin d’un inoxydable bon sens, le propos éclaire sous un jour évident les violentes échauffourées qui ont récemment agité Israël.

En février 2020, effectuant le bilan de mi-mandat d’Emmanuel Macron, avait-il cette phrase prophétique sous ses allures sibyllines pour ce qu’elle semblait avoir de convenu : « Nous avons un Président qui ne peut plus mettre un pied en dehors de l’Élysée sans se heurter à des manifestants qui exigent sa démission en brandissant, en effigie pour l’instant, sa tête au bout d’une pique ! » Il y a quelques jours, la tête présidentielle était à portée d’une gifle. Un stade dans la détestation venait d’être franchi.

Bien d’autres thèmes sont abordés (la bombe démographique, le néo-féminisme délirant, l’islam, la famille, la crise sanitaire, la déchristianisation, l’Union européenne, la théologie politique du djihadisme, le clivage « droite-gauche, etc.), et toujours avec le soutien d’une érudition encyclopédique qui contribue à dégager les événements de leur immédiateté pour leur conférer une dimension quasi historique. Du grand art.

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13 juin 2021 à 17:30

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